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roche ; mais l’art de l’ingénieur, que le granit le plus résistant n’arrêterait point, se trouve au dépourvu devant de simples grains de sable sans cesse renouvelés.

Les projets ne manquent pas dans la population maritime de la Gironde, pour laquelle la question est vitale. Les uns veulent que sans retard l’on mette à l’œuvre ces fortes dragues à vapeur qui ont creusé l’isthme de Suez ; d’autres, moins confians dans ce mode d’attaque contre les flots de sables mouvans, estiment qu’il n’y a de ressource que dans la création d’un canal latéral, partant des docks de Bordeaux et aboutissant vers l’embouchure du fleuve. Quant aux ingénieurs, ils projettent d’exiger du fleuve qu’il améliore et entretienne lui-même son chenal, grâce à une plus grande régularité donnée aux courbes naturelles de ses rives.

Il sera indispensable de recourir à des dragages énergiques, pour l’enlèvement de certains bancs formés dans le port par un agglutinement de vases qui résiste à l’érosion des courans. Mais ce serait réaliser la fable des Danaïdes que de draguer des sables mobiles dans les parties du fleuve où ils ont une tendance naturelle à s’accumuler. Les apports d’une seule marée suffiraient pour faire perdre l’éphémère approfondissement obtenu après plusieurs mois de travail, au prix des plus grosses dépenses.

On cite, il est vrai, les résultats obtenus par le curage de la Clyde en Écosse et de la Tyne en Angleterre. Mais, comparées au fleuve qui nous occupe, ces rivières ont des dimensions bien modestes ; elles sont surtout moins exposées aux alluvions. Ainsi, la Clyde n’a que 32 kilomètres entre la mer et le port de Glasgow, et sa largeur est de 300 mètres. Le cours de la Tyne ne compte que 14 kilomètres depuis son embouchure jusqu’à Newcastle, le grand port du charbon, et sa largeur n’atteint pas 200 mètres. Plus vaste est le bras de mer conduisant à Bordeaux ; il a 100 kilomètres de long et 5 kilomètres de largeur moyenne, et il est plus exposé aux obstructions des sables par la nature des dunes bordant son embouchure. Néanmoins il faut savoir avec quelles peines, à quel prix et en quel temps les deux rivières anglaises ont été draguées, endiguées et rendues accessibles aux grands navires. Les travaux de la Clyde ne sont pas encore terminés après une durée plus que séculaire. Ils sont dirigés et payés par une association locale, instituée par acte du parlement en date de 1752. Cette association perçoit certains droits sur les navires et les marchandises pour solder les dépenses, qui se sont déjà élevées à 172 millions de francs, tandis que les recettes n’ont encore atteint que 104 millions. Mais l’accroissement continu de ces recettes fait espérer que le déficit sera bientôt comblé.

L’amélioration de la Tyne est de date plus récente ; elle n’a