Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/676

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’eau, d’autant plus que cette rivière y prime réellement la Garonne par la plus grande largeur de son lit. La difficulté la plus grande de l’entreprise est donc en réalité de préserver la Garonne de la funeste influence de sa compagne.

Après le Bec-d’Ambès, la Garonne dessine un arc magnifique sur une longueur de plus de 10 kilomètres, dans lequel le chenal offre des profondeurs de 6 mètres à mer basse le long de la rive droite. Il faut évidemment, dans cette partie, laisser intacte l’œuvre de la nature. — Vient ensuite une inflexion de sens opposé, dont la courbure est moins prononcée à son sommet, vers l’île Grattequina. Il y a en ce point une partie défectueuse dans le chenal, que n’a pas améliorée un rétrécissement intempestivement opéré dans la largeur du lit. Ce passage appelle évidemment l’attention des ingénieurs.

Changeant de direction, le cours du fleuve reprend une courbure dans le même sens que le premier arc ; le sommet en est à Lormont. Nouvelle déviation en pénétrant dans le croissant autour duquel est bâti Bordeaux, et nouvelle obstruction du chenal au changement de courbure. au delà du port, le fleuve continue ses inflexions, dont la symétrie importe directement à l’amélioration des accès de notre grande place maritime, car on ne saurait amener des eaux profondes et abondantes jusqu’à Bordeaux sans leur créer un facile débouché au delà de ce port.

Pour corriger ces défectuosités, M. de La Roche-Tolay, ingénieur en chef de la Gironde, a étudié un vaste projet d’amélioration qui, par une solidarité naturelle, comprend le fleuve en amont aussi bien qu’en aval de Bordeaux. Il vient de livrer ce projet à la publicité, le présentant ainsi à la libre discussion avec un empressement plein de bonne grâce dont il faut lui savoir le plus grand gré. Nous ne pourrions examiner ce remarquable travail en détail, sans entrer dans une fastidieuse nomenclature de noms de localités que les pilotes de la rivière seraient seuls capables de reconnaître. Nous devons nous en tenir aux traits généraux.

Au-dessus de Bordeaux, on continuerait à régulariser la largeur et la profondeur de la Garonne, en élargissant les étranglemens et en resserrant les épanouissemens au moyen de digues, tandis que les passes maigres seraient affouillées et les coudes trop brusques adoucis. Bien qu’encore incomplets, les travaux déjà entrepris ont provoqué un creusement général du lit ; le courant de flot remonte à une plus grande distance qu’autrefois ; la batellerie, qui utilise les marées, y trouve des conditions de navigation plus avantageuses. Un remorqueur peut maintenant prendre tout un train de barques en plein chargement à Bordeaux et les remonter en une seule marée jusqu’aux écluses du canal latéral, tandis qu’avant les travaux, ces