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que le débit du fleuve n’en soit pas altéré d’une façon excessive, il faudrait que les deux autres facteurs de ce débit, — la profondeur du lit et la vitesse du courant, — fussent accrus dans une suffisante proportion. Or les travaux projetés n’auront que très peu d’influence sur la profondeur moyenne, puisqu’ils doivent avoir pour résultat non d’éliminer les sables, mais bien de les cantonner le long de la rive opposée à celle du chenal. Quant à l’accélération de la vitesse des courans, elle n’atteindrait pas, même dans les hypothèses les plus favorables, les limites voulues pour compenser la perte de largeur.

La rédaction du volume des eaux pénétrant à chaque marée dans la Gironde exposerait les passages du plateau de Cordouan à une fatale obstruction des sables, par suite de l’affaiblissement de la chasse produite par les courans actuels. Le mal serait irréparable, parce qu’il se produirait presque en pleine mer, hors de l’action humaine.

Avant de l’exécuter, il est donc prudent de soumettre cette partie du projet à un sérieux examen. Sans vouloir en préjuger les résultats, il est permis de croire que, tout en acceptant en principe les vues de M. l’ingénieur en chef des travaux maritimes de la Gironde, la commission d’enquête reconnaîtra l’opportunité d’un plus grand évasement entre les digues pour qu’elles puissent se raccorder vers Blaye aux rives naturelles de la Gironde, et surtout pour que le débit du fleuve n’en subisse point une funeste diminution. C’est ainsi que, sans violenter la nature outre mesure, les dépenses de l’entreprise seront réduites à de justes proportions, tout à fait en rapport avec les services qu’elle doit rendre au commerce maritime de Bordeaux.


III. — LA GARE MARITIME DE ROYAN.

L’emploi de la vapeur a modifié les façons de naviguer. Docile aux ordres du maître, ce moteur permet d’approcher ou de fuir les côtes à volonté ; il a rendu les escales plus faciles et partant plus fréquentes. Jadis les navires se hâtaient de perdre la terre de vue dès le départ ; puis, durant les longs mois d’une monotone navigation, ils tenaient la haute mer avec prudence. Tout en ayant perdu les craintes superstitieuses de l’antiquité pour l’abord des caps et des golfes, ils n’en conservaient pas moins pour la proximité des écueils un effroi trop souvent justifié. De nos jours, les paquebots en quête de fret et de passagers ne craignent point de se détourner de leur plus court chemin pour fouiller les côtes voisines et y prendre un complément à leur cargaison, qu’ils disputent à bas