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prix aux armateurs des localités visitées. Quant à réparer le temps perdu, c’est l’affaire des machines, dont la puissance s’est fort accrue pour une même dépense de charbon.

Ainsi les navires à vapeur, naviguant entre les ports de l’Allemagne et ceux de l’Amérique du nord, touchent sur la côte anglaise à Plymouth et sur la côte française à Cherbourg. C’est précisément la route que venait de suivre le paquebot allemand Pomerania lorsqu’il a soudainement sombré à quelques milles au large de Dungeness. Comme il arrive le plus souvent, c’est un bateau d’infime tonnage qui a coulé bas cet énorme bâtiment, sans nul doute trop confiant dans sa masse.

Les navires qui passent devant nos côtes de l’Océan, en se rendant du nord de l’Europe dans l’Amérique du sud et dans le Pacifique, ne négligent pas de pénétrer dans la Gironde pour s’y mettre en relation avec le commerce de Bordeaux. On voit donc de grands steamers anglais et allemands qui vont faire escale à Pauillac, plusieurs fois par mois. Continuant leur route, ces mornes navires relâchent dans les ports de l’Espagne et du Portugal, où ils rencontrent les transatlantiques portant notre pavillon et faisant également la chasse du fret à l’étranger.

Ce genre spécial de concurrence maritime date à peine de quelques années, et déjà il a pris une rapide extension. Préjudiciable aux armateurs des ports fréquentés par les navires étrangers, cette concurrence est une des causes les plus graves des souffrances de la marine marchande, non-seulement en France, mais en Espagne et en Portugal. Ainsi tel paquebot qui relâche dans la Gironde en se rendant de Liverpool ou de Hambourg à Buenos-Ayres ou à Valparaiso, embarque en quelques heures à Pauillac de longues files de tonneaux de vin, dont le nombre aurait suffi au plein chargement de plusieurs trois-mâts du port de Bordeaux. C’est également par grosses quantités qu’au retour le même navire déchargera des sacs de salpêtre du Pérou ou des ballots de toisons des pampas, affamant ainsi nos voiliers par la supériorité économique que donnent les grandes capacités, surtout lorsqu’en partie les frais de navigation sont couverts par des subventions postales.

Cette concurrence des pavillons est éminemment favorable au travail national, qui se trouve alimenté de matières premières au plus bas prix et qui exporte ensuite ses produits dans les conditions les moins coûteuses. Elle est surtout avantageuse à nos chemins de fer, auxquels elle procure un lucratif transit de voyageurs et de marchandises. Quelque légitimes que soient les plaintes dont notre tribune législative retentit à cette heure, quelque respectables et dignes de sollicitude que soient les intérêts froissés et lésés par