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prépare une traduction des « deux Oupachinads des Védas. » Sa partie, c’est « de demander aux livres sacrés de l’Orient des enseignemens pour l’avenir. » Le sens de cette plaisanterie m’échappe. Il va sans dire que ce membre de l’Institut donne à sa fille la plus maladroite et la plus déplorable éducation. Mais par un contraste heureux il y a « maman Gervais, » brunisseuse sur porcelaine, qui donne à son « artiste, » Hélène Gervais, élève du Conservatoire, toutes les vertus de la femme.

À ce propos, une question qui vaut la peine au moins d’être posée, c’est ce qu’on pourrait appeler la question du faux et du vrai naturalisme.

Voilà des romanciers dont l’unique ambition se réduit à reproduire la nature. Ils n’écrivent ni surtout ne composent ; ils déchirent, bon an mal an, une page du livre de la vie. Par malheur il se trouve que ce prétendu naturalisme n’est partout chez eux qu’en étalage. Regardez-y d’un peu près : rien n’est là vraiment observé, rien n’est étudié, ni pénétré dans son fond. Il n’y a de « vu » que le décor, un décor de théâtre avec des accessoires de carton. Quant aux personnages, de leur condition ou plutôt de leur emploi, l’étiquette, et quelquefois le vêtement, en vérité voilà tout ce qu’ils ont. Le sujet serait infini, si nous voulions rassembler ici tout ce que le roman contemporain nous offrirait en ce genre de mémorables exemples. Contentons-nous de demander à M. Claretie la description d’une « combustion spontanée. » C’est une application de la science au roman. Aussi bien depuis que l’Assommoir s’est dénoué par le delirium tremens du zingueur Coupeau, c’est une loi qu’il ne saurait plus y avoir de roman sans un peu de pathologie. M. Richepin avait choisi la fièvre typhoïde. On pouvait déjà relever dans sa description quelques indications d’une thérapeutique étrange, des toniques ou des stimulans fort étonnes d’être appelés à « sabrer » une fièvre et des antispasmodiques tout surpris d’être invoqués comme des stimulans. M. Claretie, lui, a voulu faire plus fort que M. Zola, il a choisi la combustion spontanée.

Le comédien Monnerol fumait sa pipe « dans l’amollissement flasque d’une espèce de sieste habituelle. » Il y avait du tabac dans sa pipe, du tabac « acheté tout à l’heure, boulevard de Sébastopol, chez une grosse marchande courtisée. » Tout à coup le malheureux poussa un cri rauque. « Sa main fumait comme un objet qui se consume. Une espèce de vapeur chaude semblait sortir des porcs, lentement, et bientôt, avec une terreur qui lui fit dresser les cheveux sur le crâne, Monnerol vit des flammes, — oui, là, une flamme bleue pareille aux languettes du punch qui brûle… une odeur de soufre montait. » Pourquoi une odeur de soufre ? pourquoi quelques lignes plus bas une auréole sulfureuse ? puisqu’il s’agit « d’alcoolisme » et de « combustion spontanée. » Passons. Et maintenant « de ses bras, de son cou, de ses joues, avec une