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dire, quoique cela semble bien simple, ce qu’on entend aujourd’hui par des « congrégations non autorisées ? » Ce, sont des congrégations qu’on ne connaît pas, qu’on ne connaît, selon un mot déjà ancien de M. Jules Simon, « ni pour les protéger ni pour les gêner, » et sur lesquelles on n’a aucun droit exceptionnel, précisément parce qu’elles n’ont aucune existence exceptionnelle. Elles n’ont pas une personnalité civile, elles n’ont ni exemptions ni immunités d’aucune sorte ; elles suivent temporellement la condition de tout le monde, elles participent aux charges publiques et aux obligations de tout le monde. Pour elles, le droit privilégié de corporation s’est évanoui ; il ne reste que des citoyens réfugiés dans l’inviolabilité du domicile, réunis pour prier ensemble, pour pratiquer ensemble des œuvres de bienfaisance et d’instruction. C’est à ce titre, à ce seul titre qu’ils existent, qu’ils peuvent pratiquer l’enseignement, et lorsque dans les premiers temps de la loi de 1850 des communautés se sont présentées pour ouvrir avec une qualité collective des maisons d’éducation, elles n’ont pas été admises. Le conseil supérieur de l’instruction publique en a décidé ainsi plus d’une fois, si nous nous souvenons bien. Cela est arrivé aux jésuites eux-mêmes. Le droit personnel seul subsiste, seul il est reconnu par le pouvoir civil chez ceux qui portent un habit religieux aussi bien que chez les autres.

Les membres des congrégations religieuses sont aux yeux de l’état des citoyens comme les autres citoyens, rien de plus, rien de moins. S’ils manquent aux lois, s’ils se dérobent aux obligations publiques, s’ils n’ont pas la qualité de Français là où cette qualité est nécessaire, qu’on les réprime par les moyens légaux, rien de plus régulier et de plus simple. S’ils respectent les lois, s’ils sont les plus paisibles des hommes, s’ils observent les règles tracées par l’état lui-même dans l’instruction publique, telle qu’elle a été organisée depuis longtemps, sous quel prétexte leur interdirait-on ce qui est permis à tout le monde ? Ce serait donc l’esprit qu’on poursuivrait en eux, et c’est pour une suspicion de tendance qu’on priverait de simples citoyens de ce droit d’enseigner qui est un droit civique, que les tribunaux correctionnels eux-mêmes ne peuvent pas enlever selon la loi pénale, qui ne peut être perdu qu’à la suite d’une condamnation criminelle ! Et de plus, ce n’est pas le droit des professeurs libres qui est seulement atteint. Ces professeurs ont ouvert des maisons d’éducation à l’abri des lois qui datent déjà de trente ans ; ils comptent aujourd’hui plus de 20,000 élèves qui leur ont été confiés par le choix délibéré des familles. Ces familles, qui appartiennent certainement à toutes les opinions, même à l’opinion républicaine, ont raison ou elles ont tort, elles agissent dans le sentiment de leur indépendance. C’est donc le droit des familles qui est frappé comme le droit des professeurs, et en outre c’est l’enseignement général tout entier qui est atteint par cette suppression soudaine