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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/814

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commerciale, qui était sa monnaie unique et honnête. Au XIVe siècle elle a pénétré dans tout le nord de la Pologne, où elle a droit de cité dans les villes. Aussi Thorn, placé à la frontière méridionale, a-t-il des relations très suivies avec Cracovie et la Gallicie. D’ouest en est s’établit par la Prusse un commerce de transit. Les villes silésiennes sont pleines de colons allemands, qui portent ou vont chercher des marchandises en Russie, et lorsque le roi Casimir de Pologne interdit aux bourgeois de Breslau le passage par ses états, ceux-ci, en vertu d’une convention avec l’ordre, prennent la route de Prusse. Les chemins les plus courts n’étaient point au moyen âge les meilleurs, et la route pouvait être fort abrégée par un détour, si elle traversait un pays où il n’y avait ni guerres privées ni brigands. Quand le roi de Pologne se plaint que l’ordre détourne les routes et diminue ainsi ses revenus, il fait l’éloge du gouvernement teutonique. Mais c’était du sud au nord, par la route naturelle de la Vistule, que se faisait le principal commerce de transit. L’ordre défendait aux étrangers la navigation sur ce fleuve, et la corporation des bateliers de la Vistule, autorisée par lui, avait reçu de grands privilèges, à la condition qu’elle établît toutes ses stations sur la rive droite, c’est-à-dire sur la rive prussienne. Ce monopole était impatiemment supporté par les Polonais ; mais la Vistule était à la fois le chemin le plus court et le plus sûr qui conduisit vers la Baltique, et les marchands de Pologne confiaient leurs marchandises aux bateliers prussiens.

Du temps des païens, le commerce propre du pays, très faible, bien entendu, consistait en importation de sel et de fer et en exportation d’ambre et de peaux de martre. Il s’accrut énormément après que la Prusse eut été mise en culture. Dans les premières années, la Prusse était nourrie par la Pologne ; mais au XIVe siècle elle exportait des grains, des produits forestiers, même quelques produits industriels, par exemple les draps gris de Marienbourg. Le grand commerce se faisait exclusivement dans les villes prussiennes qui appartenaient à la Hanse.

Le marchand hanséatique avait été le collaborateur des margraves et des chevaliers : il les avait même précédés, et comme eux il était un soldat du Christ. Avant que l’ordre apportât en Prusse l’étendard de la Vierge, la Baltique avait été mise sous la protection de la mère de Dieu, et lorsque la papauté dirigea ses premiers regards vers les Sarrasins du nord, Innocent III écrivit à l’évêque de Riga qu’il avait autant de sollicitude pour le royaume de la mère que pour celui du fils, c’est-à-dire pour les côtes baltiques que pour la terre-sainte. On priait à bord des vaisseaux de la Hanse comme dans les châteaux teutoniques. Quand un de ces vaisseaux,