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partant pour une expédition lointaine, s’était éloigné d’une demi-journée du port, le maître rassemblait l’équipage et les passagers, et parlait ainsi : « Nous voici abandonnés à Dieu, aux vents et aux vagues ; devant Dieu, le vent et les vagues, nous sommes tous égaux. Environnés de dangers, menacés par la tempête et par les pirates, nous n’irons point au bout de notre voyage, si nous n’établissons une règle parmi nous. Commençons donc par la prière et par le cantique pour demander bon vent et bon voyage, puis élisons les juges qui nous feront honnêtement justice. » Après la prière et les élections, lecture était faite du code maritime : les premiers articles étaient « qu’il ne faut pas blasphémer le nom de Dieu, ne pas nommer le diable, ne pas dormir pendant la prière. » Ces hanséatiques étaient sur les rives brumeuses de la Baltique ce qu’avaient été les Grecs aux bords ensoleillés de la Méditerranée, des messagers de la civilisation. Les premiers ils ont fait entrer dans la communauté humaine ces grossiers païens de l’est, en fondant sur le rivage des comptoirs, qui souvent devenaient des villes. A la fin du XIIe siècle, des marchands brêmois, débarqués sur la côte livonienne, y bâtissent, sous la grêle des pierres que leur lancent les indigènes, le fort d’Uxhüll ; à un second voyage, ils amènent des missionnaires, une autre fois un prêtre de leur cathédrale : Uxhüll devient ainsi la ville de Riga. D’autres marchands allemands colonisent Reval après que le Danois Waldemar le Victorieux y a construit une citadelle, et Dorpat, après qu’ils ont détruit un château de pirates livoniens et russes. C’étaient les Lubeckois qui, débarquant à l’embouchure de la Vistule, avaient établi auprès des huttes de pêcheurs d’ambre et de fumeurs de harengs un comptoir fortifié qui devint Danzig.

Ces établissemens étaient fondés, et il n’y avait plus de découverte à faire, quand les villes prussiennes entrèrent dans la Hanse ; mais elles y jouèrent un rôle considérable. Cette vaste association, qui embrassait toutes les villes des pays où l’on parlait le bas-allemand, comprenait un quartier rhénan, dont Cologne était la capitale, un quartier saxon, dont Magdebourg et plus tard Brunswick furent les villes principales, un quartier wende où dominait Lubeck, un quartier prussien où Danzig ne tarda pas à éclipser Thorn. Ces deux derniers furent riches avant les autres parce que la Baltique était alors la mer la plus poissonneuse de l’Europe. Le saumon et l’anguille fourmillaient à l’embouchure des fleuves, et le hareng arrivait chaque année par le Sund en quantités innombrables. Sans doute l’esprit d’aventure et la foi ont contribué à la colonisation des bords de la Baltique, et il faut tenir grand compte dans cette histoire des bulles pontificales qui exhortent les