séparation entre ces diverses catégories est soigneusement maintenue ; mais les locaux sont insuffisans pour que cette séparation soit complète. L’usage du réfectoire est commun, ainsi que celui, de certains préaux, et il faut un règlement très ingénieux, à l’exécution duquel les sœurs de Marie-Joseph tiennent strictement la main, pour qu’une catégorie puisse succéder à l’autre, et pour que des allées et venues incessantes puissent s’opérer à travers le dédale des escaliers et des couloirs sans nombre de la vieille maison sans que des rencontres furtives aient lieu, que des conversations s’engagent, que des lettres soient échangées. Les sœurs arrivent-elles même à empêcher complètement ces communications interlopes ? Il serait téméraire de l’affirmer. Mais ce qu’aucune surveillance ne saurait empêcher, c’est la contagion morale de toutes ces misères, de toutes ces défaillances réunies sous un même toit, et séparées seulement par des murailles en quelque sorte transparentes qui n’arrêtent ni l’imagination, ni la contagion. « Si elles ne se voient pas, elles se sentent, » disait très justement une des sœurs à un membre de la commission d’enquête parlementaire, et on ne saurait trouver d’expression plus juste pour rendre l’effet nuisible de ce contact moral. Combien y en a-t-il parmi les prévenues et les condamnées, entraînées peu à peu au vol par la misère, qui ont dû regretter de ne pas s’être abandonnées à la vie de ces femmes de la deuxième section qu’elles savent, à deux pas d’elles, si bien soignées et nourries quand elles sont malades, et parmi ces femmes de la deuxième section qui ont tant d’occasions de voler, combien y en a-t-il chez lesquelles la terreur salutaire qu’inspire la prison s’est affaiblie après qu’elles ont deux ou trois fois franchi ce guichet qui leur est commun avec les prévenues et les condamnées. La prison de Saint-Lazare est donc le lieu d’une promiscuité morale, sinon matérielle, contre laquelle on ne saurait trop s’élever, et à laquelle je me réserve d’indiquer tout à l’heure le seul remède qui puisse être apporté.
Lors de ma dernière visite à Saint-Lazare, il y avait vingt-cinq prévenues et cinquante-sept condamnées de seize à vingt et un ans. Ce nombre est assurément assez considérable pour fournir les élémens d’un quartier de jeunes adultes. Quelque aménagement particulier leur a-t-il été réservé ? Aucun. Elles sont détenues en commun avec les prévenues ou les condamnées plus âgées et sous le régime de la promiscuité pure et simple. Tandis qu’à Mazas les hommes prévenus sont rigoureusement séparés de jour et de nuit, à Saint-Lazare les femmes prévenues sont enfermées, à certains jours on pourrait dire entassées dans deux salles communes, où elles travaillent assises sur de petites chaises basses, serrées coude à