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« Mes parens m’ont laissée dans la misère ; je prie Dieu pour eux, mais je ne leur écrirai pas, » d’un ton qui, à vrai dire, m’a fait douter un peu de la réalité des prières. Une fois ces réponses consignées, on leur indique l’atelier où elles seront employées, et du prétoire elles passent directement dans l’intérieur de la maison et entre les mains de celles sous l’autorité constante desquelles elles vont vivre, c’est-à-dire des sœurs.

La maison centrale de Clermont est confiée depuis longues années à un ordre que nous n’avons point encore rencontré, celui des sœurs de la Sagesse. L’administration paie le traitement de vingt-deux sœurs, qui sont logées et pas nourries, à raison de 650 francs par sœur et 450 francs par converse. La communauté entretient en outre dans la maison sept sœurs à ses frais, et il y en a quelques-unes qui sont dans la maison depuis plus longtemps que les plus anciennes détenues. Cet ordre de la Sagesse est peut-être, à ce que m’ont dit différens directeurs, encore supérieur à celui de Marie-Joseph, au point de vue de l’exactitude dans la surveillance et le maintien de la discipline. Un mince détail donnera l’idée de la conscience qu’elles apportent dans cette tâche pénible. Presque tous les services intérieurs de la maison, cuisine, ateliers, réfectoires, aboutissent sous un vaste auvent que détenues, gardiens, parfois même ouvriers du dehors, traversent assez fréquemment. Pour veiller à ce qu’aucune conversation ne s’engage, à ce qu’aucune communication illicite ne soit échangée sous cet auvent, une sœur s’y tient constamment depuis cinq heures du matin jusqu’à huit heures du soir, exposée à toutes les variations de la température extérieure. Immobile, adossée à la muraille avec laquelle se confond la couleur de sa robe grise, on pourrait de loin la prendre pour une de ces vieilles statues qui sont sculptées en relief à la porte de nos églises gothiques.

On comprend avec quelle sécurité l’administration pénitentiaire se repose sur un personnel qui remplit ses devoirs avec cette exactitude. Dirai-je cependant que la nécessité de faire également peser sur toutes les détenues le joug d’une discipline inexorable, dont le maintien engage vis-à-vis du directeur leur conscience et leur responsabilité, semble avoir communiqué à la physionomie de quelques-unes des sœurs et à leur manière d’être avec les détenues un peu de la rigidité de cette discipline. L’habitude d’opposer une égale impassibilité à des scènes de violence ou de larmes, et de se tenir en garde contre les démonstrations d’un repentir hypocrite qui ne recule devant aucune manifestation, les arme, extérieurement du moins, d’une certaine froideur qui pourrait peut-être éloigner d’elles la confidence des sentimens sincères. Lorsqu’on pénètre inopinément