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la république du Transvaal. Le fanatisme religieux enfin venait en aide à la cupidité et à l’avarice Que leur parlait-on de justice et de légalité à ces boers, à qui leur Bible recommandait comme un devoir sacré l’extermination des idolâtres ? Le nom même de leurs ennemis, ce mot de kaffirs, qui signifie infidèles, n’était-il pas sur eux comme un stigmate qui les désignait à l’exécration de tous les gens craignant Dieu ? Si les Anglais trouvaient dans leur religion une complaisance : qui les autorisait à traiter avec tous les Achabs noirs, eux trouvaient dans la leur une rigueur intransigeante qui s’était exprimée par cet ordre du Très-Haut à son serviteur Moïse : « Et quand vous approcherez d’une cité, combattez contre elle. » Si étrangers que ce langage et ces sentimens soient à notre siècle, André Prétorius, le fondateur de la république du Transvaal, n’en a pas tenu ni connu d’autres. Il n’est donc pas difficile de comprendre comment de toutes les guerres contemporaines entre les races civilisées et les races sauvages, celles des boers contre les indigènes de l’Afrique méridionale ont été peut-être les plus impitoyables. La tribu des Basoutos dans l’état libre d’Orange sortit de sa longue lutte contre les boers tellement diminuée qu’elle ne s’est plus relevée depuis et aurait été absolument anéantie si le gouvernement anglais n’était pas intervenu au dernier instant. Pareil sort ont subi les tribus du Transvaal après l’établissement de la république de Prétorius.

Lorsque deux populations en présence sont séparées par des dissentimens aussi profonds, la seule manière de conserver la paix serait que la population gouvernante laissât à l’autre le libre usage de ses institutions et s’abstînt de toucher à ce qui constitue sa manière de vivre et de penser. C’est ce que font tous les gouvernemens sages et libéraux lorsqu’ils ont à régir des peuples d’autre origine que la leur. C’est ce que fait l’Angleterre dans l’Inde ou ailleurs, ce qu’elle fait même en Afrique à l’égard des indigènes ; mais pour cette population coloniale d’origine européenne tout entière elle crut ne devoir faire aucune différence entre Anglais et Hollandais, et pouvoir appliquer à ces derniers les lois qu’elle appliquait à ses propres sujets, de là les colères. Dans un tel état d’animosité, tout incident porte, et il n’est pas une mesure de la politique anglaise qui n’ait été un sujet d’irritation pour les boers. Il est du reste juste d’ajouter que le gouvernement britannique n’en prit pas une seule qui ne fût calculée pour faire comprendre à ses sujets coloniaux qu’ils devaient renoncer de bon gré à leurs habitudes ou se préparer à les voir supprimer de vive force. En 1828, la chambre des communes, émue des rapports que vint lui faire le célèbre abolitionniste M. Buxton sur le sort des Hottentots réduits par l’injuste mépris des colons à une situation voisine de l’esclavage