Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 32.djvu/934

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

changement de pouvoir n’est valable qu’autant qu’il est consenti par la population intéressée ; eh bien, où a été ce consentement dans le changement opéré par sir Théophile Shepstone avec une soudaineté qui a laissé a peine à l’état annexé le temps de savoir qu’il était menacé ?

Dans tout cela, on le voit, les résultats de la politique britannique sont mal d’accord avec ses principes, mais ce défaut de logique éclate avec bien plus d’évidence encore dans la conduite observée à l’égard de l’état libre d’Orange. Sir Charles Napier commence par déclarer que le gouvernement colonial ne prétend rien sur ce territoire ; mais les gouverneurs changent, et la politique change avec eux, et après quelques années d’hésitation, l’autorité anglaise décrète en 1848 que cette colonie deviendra province annexée. Au bout de quatre ans de souveraineté, le gouvernement britannique trouva que cette colonie était une médiocre acquisition. Le pays était peu fertile le commerce était nul, la population, exclusivement hollandaise, montrait peu d’enthousiasme, et cette population était engagée contre les tribus des Basoutos dans des guerres interminables dont l’Angleterre avait à payer les irais. Quand il crut qu’il était démontré que la colonie ne valait pas l’argent qu’elle dépensait, le gouvernement britannique déclara sans vergogne à ses sujets qu’il les rendait à leur ancienne liberté. Cette déclaration surprit fort les boers : Vous êtes venus nous annexer, dirent-ils, lorsque nous ne demandions pas à l’être, et maintenant que nous avons pris notre parti d’être sujets anglais, vous nous abandonnez ; vous nous mettez vraiment dans un grand embarras. — Je suis trop votre ami, répliqua le gouvernement colonial, pour ne pas vous restituer l’inestimable bien qui s’appelle l’indépendance, — et il maintint sa décision, laissant les boers libres de conclure que la qualité de sujet anglais n’était pas aussi inaliénable qu’il l’avait prétendu d’abord, et qu’elle se perdait parfaitement lorsqu’elle était onéreuse aux intérêts de l’Angleterre. Voilà maintenant plus de vingt ans que cette histoire s’est passée, et les citoyens de l’état libre, d’abord réclamés comme sujets anglais, lorsqu’ils croyaient ne plus l’être, puis annexés lorsqu’ils ne demandaient pas à l’être, puis rendus à l’indépendance lorsqu’ils n’y tenaient plus, ont pris parfaitement leur parti d’être libres ; mais aveugles seraient-ils s’ils croyaient qu’ils en ont fini avec les contradictions de la logique de leurs voisins. Il sont trop près des champs de diamans de Griqualand-West, et ils seront annexés de nouveau un de ces jours.

Les accusations n’ont pas manqué pour justifier les mesures sommaires dont les boers ont été victimes. On leur a reproché par exemple de ne pouvoir vivre en paix avec les indigènes et de procéder à leur égard par voie d’extermination. En vérité le reproche