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point l’autorité qu’ils avaient surprise demeurait précaire entre leurs mains. L’armée de Samos ne s’était pas encore prononcée, et dans l’île même, l’oligarchie venait d’avoir le dessous. Séduits par Pisandre, trois cents Samiens s’abouchèrent en secret avec Charminos revenu d’Halicarnasse. Pour donner à ce général, que nous avons vu faire si bonne figure au combat de Symé, un gage de leurs intentions, ils commencèrent par assassiner Hyperbolos, « méchant homme, nous dit Thucydide, banni par l’ostracisme, non qu’il pût exciter aucune crainte par sa puissance et par son crédit, mais parce que sa basse méchanceté était une honte pour la république. » Si « l’aigre Hyperboles » était un personnage aussi insignifiant, fallait-il donc se débarrasser de lui par un crime? On le tua comme on tua Marat. Le crime, en tout cas, fut une faute, car il révéla l’existence du complot. Le peuple de Samos prit les armes, égorgea une partie des conjurés, exila trois des plus compromis, amnistia les autres et continua de se gouverner suivant les institutions qu’il avait jadis conquises avec l’aide des Athéniens. Telle était la nouvelle qui vint jeter l’alarme dans le camp des quatre cents. Un autre avis infiniment plus grave ne tarda pas à porter à son comble l’inquiétude des amis de Pisandre. Laissée à elle-même, en contact perpétuel avec une population qui avait l’aristocratie en horreur, l’armée de Samos était redevenue ce que fut l’armée d’Italie au temps de Bonaparte; l’esprit de réaction n’y rencontrait plus de faveur. Les soldats ignoraient encore les événemens qui venaient de s’accomplir dans Athènes; ils se méfiaient cependant déjà de leurs chefs. Les troubles de Samos achevèrent de les éclairer. Si le parti oligarchique s’était insurgé dans l’île, la démocratie devait être menacée ailleurs; une coupable connivence avait sans doute encouragé le mouvement. Les généraux, gagnés pour la plupart, demeuraient indécis ; un simple triérarque, Thrasybule, le chef d’un corps d’hoplites, Thrasylle, se donnèrent la mission de déjouer les menées dont le soulèvement prématuré de Samos semblait l’indice. « Ils prirent en particulier chacun des soldats et les engagèrent à ne pas tolérer la révolution qui se préparait. » Un vent de fructidor passa dans les rangs ; la Paralos, montée par Chéréas, fit voile pour le Pirée.

Les soldats avaient exigé qu’on instruisît Athènes de ce qui venait de se passer à Samos; ils voulaient que le peuple connût en même temps leurs inquiétudes. Chéréas possédait la confiance de l’armée; on attendrait son retour pour prendre un parti. Les quatre cents n’eurent pas la simplicité de laisser débarquer cet Augereau ; ordre fut même donné de l’arrêter. Chéréas s’esquiva et parvint à se dérober à toutes les recherches. Bientôt l’armée le vit reparaître à Samos. « J’arrive d’Athènes, dit-il, où vous m’aviez envoyé. La