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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 33.djvu/125

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Paralos a été saisie et son équipage, l’élite de la flotte, est aujourd’hui dispersé sur de misérables navires de transport. Voulez-vous savoir ce qui se passe dans Athènes? La démocratie y a été renversée et le parti oligarchique règne en maître. Il ne se borne pas à battre de verges les citoyens, à insulter les femmes et les enfans; il menace de jeter en prison les familles des marins qui ne se montreront pas ici favorables à ses projets. » La torche tombait sur le champ de blé; il faudrait s’étonner si elle n’y eût pas allumé l’incendie. La sédition a rarement les coudées franches dans une flotte; l’entente entre les équipages y est trop difficile. On a vu cependant, au cours de nos dernières guerres avec les Anglais, l’armée navale de Portsmouth arborer l’étendard de la révolte. Ce fait est une exception et la révolte d’ailleurs fut promptement étouffée. Mais les équipages des anciens, une fois mouillés sur rade, ne vivaient plus à bord ; le camp qui les renfermait, agora de passage, pouvait à la minute se transformer en pnyx. Une assemblée tumultueuse se trouve donc rassemblée à l’instant; les généraux, les triérarques suspects sont déposés, sans qu’on veuille même prendre la peine de les entendre; de nouveaux chefs sont élus par acclamation. Au nombre de ces chefs figurent naturellement Thrasybule et Thrasylle. N’allez pas vous imaginer que ce grand transport populaire ait fait oublier aux matelots athéniens l’or du grand roi, cet or dont Pisandre le premier leur a fait entrevoir la rosée bienfaisante! L’or du grand roi conservait toujours son prestige; seulement ce n’étaient ni Pisandre ni les quatre cents qui en disposaient. On en avait maintenant la certitude. C’était Alcibiade. A quel parti appartenait donc le fils de Clinias? Au parti d’Alcibiade, nous l’avons déjà dit. Dans le désarroi où les révolutions politiques jettent les peuples, on voit une foule de gens ne plus professer de culte que pour l’habileté. Alcibiade était incontestablement habile. Après avoir trompé Pisandre, il allait faire de Thrasybule sa dupe ou son complice. Thrasybule convoqua l’armée et obtint son assentiment au rappel d’Alcibiade. C’était se mettre en insurrection ouverte contre le gouvernement d’Athènes. Sans aucun doute; mais pourquoi hésiterait-on à jeter le défi à ce gouvernement qu’on n’a jamais reconnu? Athènes n’a-t-elle pas la première fait défection en portant atteinte aux lois de la patrie? Ces lois, l’armée se lève pour les défendre; elle saura bien contraindre Athènes à y revenir.

Alcibiade était toujours auprès de Tissapherne. Thrasybule l’alla trouver et le ramena triomphant à Samos. Mis en présence des soldats, Alcibiade sut jouer admirablement son rôle. Il n’énuméra pas pompeusement ses services, ne se plaignit point de son bannissement; il se contenta de faire parler Tissapherne. « Le satrape, à l’entendre, ne demandait qu’une chose : qu’Alcibiade fût rappelé dans sa