Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 33.djvu/215

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fond des vallées basses, une végétation amaigrie dont se contentent les bestiaux à défaut de meilleure nourriture. Ainsi se conservent les oasis où la caravane trouve de loin en loin un abri. En dehors de ces endroits favorisés, la terre n’est pas précisément dénudée. Des végétaux rabougris, dont les moutons et les chameaux broutent chaque année les jeunes pousses, luttent encore contre la sécheresse du climat et contre la dent des animaux. Dans le nombre de ces plantes robustes, une mention particulière est due à l’alfa, graminée qui tient le milieu entre l’herbe et le jonc, et dont la fibre ligneuse se prête à divers emplois industriels. L’alfa croît en touffes grêles sur une superficie de plusieurs millions d’hectares. On le sait, des chemins de fer sont déjà construits pour amener au littoral cette plante utile qui pousse sans qu’on s’en occupe, et que l’exploitant n’a que la peine de ramasser sur le sol. En tant que végétation arborescente, le Sahara possède les buissons épineux du jujubier, quelques pistachiers épars qui grandissent avec lenteur lorsqu’ils ont la chance d’échapper à la dent des troupeaux. Ces deux arbres sont le seul combustible que le voyageur rencontre sur sa route; aussi ne les épargne-t-il guère. M. Duponchel émet l’avis que certaines essences de la flore australienne réussiraient sur les terres brûlantes de l’Afrique. C’est une expérience qui mériterait du moins d’être tentée.

Qu’on y fasse attention, cette région d’un aspect si désolé n’est pas malsaine. Sans contredit, la chaleur excessive ne convient pas au tempérament européen; cependant la chaleur sèche n’est pas débilitante. Les oasis sont moins salubres que le désert à cause des eaux dormantes qui s’y trouvent. Ce qu’il y a de plus gênant peut-être pour le corps humain est l’écart excessif des températures suivant l’heure et la saison. Qui le croirait, si tant de gens n’en avaient fait l’expérience? C’est par le froid plus que par la chaleur que l’on souffre sous le 30e degré de latitude. Les populations natives y sont d’ailleurs très clairsemées. Un chiffre fera juger de ce qu’il en est. Le nombre des habitans est évalué à un million et demi. A proportion égale, un département de la France n’aurait guère que deux mille habitans. Les uns Arabes, d’autres Berbères d’origine, tous sont musulmans. Les Touaregs en sont le groupe le plus important. Confinés dans le district montagneux du centre, ils exercent une sorte de suprématie sur les tribus sédentaires ou nomades avec lesquelles ils sont en contact. Quelques voyageurs prétendent que, de Ghadamès à Tombouctou, ils sont redoutés comme des brigands fourbes et cruels, tandis que d’autres leur attribuent des qualités chevaleresques. Quoi qu’il en soit, ce ne seraient pas des ennemis bien redoutables pour des Européens puisque, sans compter qu’ils sont