masses ; mais chacune de ces épreuves a été reprise ensuite par le ciseau du sculpteur, et celui-ci, suivant qu’il avait plus d’adresse et de loisir, s’est borné aux retouches nécessaires ou bien a pris plaisir à serrer le modelé, à varier d’une figure à l’autre l’expression et l’effet, par le travail de l’outil et la fermeté des accens. L’artiste qui a créé cette diversité, c’est ici le génie grec et italiote, avec le besoin invincible qu’il éprouve de déterminer les dieux, de les distinguer les uns des autres par des attributs spéciaux et une physionomie tranchée. Les différences frappent d’abord plus que les ressemblances ; elles pourraient abuser un observateur inattentif et sans expérience ; mais le connaisseur ne s’y trompe pas, il devine, il proclame l’unité du type primitif.
Aphrodite cesse donc d’être à nos yeux la seule divinité étrangère qui se soit assise aux banquets de l’Olympe ; si l’on remonte jusqu’à ces siècles lointains et sans histoire où les Grecs ont fait leur apparition sur les côtes de la mer Égée, on voit s’abaisser cette haute barrière que les humanistes d’autrefois aimaient à dresser entre Hellènes et barbares ; cette frontière fictive s’efface et s’évanouit. Est-ce à dire que les divinités grecques y perdent quelque chose de leur originalité, de leur beauté sans rivale ? Non certes : nous n’en concevons qu’une plus haute idée de l’activité créatrice du génie hellénique, lorsque nous voyons ce qu’il a su faire de cette idée sans forme, que l’Orient ne savait exprimer que par une accumulation indéfinie de symboles. De ce panthéisme impropre à la plastique, l’art grec a tiré des personnes libres et vivantes, de cette déesse universelle, des dieux nationaux. Suivant que les cités grecques se sont plus ou moins écartées du type oriental primitif, elles sont arrivées à un degré plus ou moins haut de civilisation. Nous avons là comme une échelle de comparaison entre les différentes branches de la même race ; nous pouvons mesurer la force que chacune d’elles a déployée pour s’approprier, en les transformant, ces élémens exotiques ; nous trouvons là, si l’on peut ainsi parler, la formule et la dose de son hellénisme. Corinthe avait été, dans des temps très anciens, en relations étroites avec les Phéniciens ; il lui en resta toujours quelque chose. Son culte d’Aphrodite était bien plus matérialiste que les cultes athéniens. Tandis qu’Athènes avait les Panathénées et les Dionysiaques, la procession que représente la frise du Parthénon et les fêtes du théâtre tragique et comique, Corinthe offrait aux étrangers, comme Cypre, ses bandes de courtisanes esclaves de la déesse et le charme grossier des prostitutions sacrées.
Dans la vie des sociétés humaines comme dans celle de l’individu, ce qui finit ressemble étrangement à ce qui commence ; la vieillesse copie l’enfance, avec l’espoir et l’avenir en moins. Le