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les lois et décrets subséquens les y maintinrent. Telle fut cette grande fondation de l’Université de France que M. Cousin, qui n’était certes pas un adorateur superstitieux de Napoléon Ier, proclamait un chef-d’œuvre, et dont un autre homme éminent, M. Guizot, disait en pleine monarchie de juillet « qu’aucun gouvernement, aucune assemblée n’aurait eu une énergie assez concentrée, assez soudaine pour créer une telle machine. » La machine était solide en effet : on le vit bien à la force de résistance qu’elle opposa sous la restauration aux formidables inimitiés coalisées contre elle. La première pensée de Louis XVIII avait été de supprimer l’Université et de la remplacer par dix-sept universités, gouvernées par un conseil, présidé par le recteur et par un conseil royal composé d’un président et de onze conseillers nommés par le roi et choisis : deux dans le clergé, deux dans le conseil d’état ou dans les cours souveraines et sept parmi les personnes les plus recommandables par leurs talens et leurs services dans l’instruction publique. Une ordonnance conforme à ces données fut rendue le 17 février 1815; c’était la contre-partie du décret de 1808. Mais le 20 mars arriva qui remit tout en question : les ordonnances et le roi lui-même.

Après les cent jours, il était à craindre que Louis XVIII ne reprît sa première idée. Mieux conseillé sans doute, il eut la sagesse de « surseoir à toute innovation importante dans l’instruction publique. » L’organisation des académies fut provisoirement maintenue, il n’y eut de changés que le grand maître et le conseil de l’Université, dont les pouvoirs furent attribués à une commission de cinq membres, qui prit le nom de commission de l’instruction publique[1], et qu’on plaça sous l’autorité du ministre de l’intérieur. Ce provisoire, comme il arrive souvent, se maintint sans changemens notables, jusqu’en novembre 1820. A cette date, une ordonnance restitua à la commission son titre de conseil royal de l’instruction publique. C’était une première réparation à l’Université, due sans doute à l’influence de M. Royer-Collard; deux ans plus tard, en juin 1822, la grande maîtrise elle-même était rétablie. La machine était si bien entrée dans les mœurs, elle s’était si complètement identifiée avec les tendances et les besoins de ce pays que, n’osant la détruire ou ne sachant par quoi la remplacer, on prenait le parti de lui rendre ses premiers organes.

La question de la liberté d’enseignement n’avait pas été sérieusement soulevée pendant toute cette période transitoire. Aucune voix autorisée, ni dans les chambres, ni dans les conseils du roi, ne s’était élevée pour demander la suppression du monopole. L’Université

  1. Royer-Collard, Cousin, Silvestre de Sacy, l’abbé Frayssinous firent partie de cette commission.