Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 33.djvu/444

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas qui voudra; on n’enseignera qu’avec la permission de l’état. » On avait tort ou on avait raison, je ne l’examine pas... Vous avez trouvé apparemment tout cela détestable, puisque vous l’avez renversé. Vous n’avez plus voulu de la liberté limitée, vous avez dit dans la constitution : « Les citoyens ont le droit de s’associer tous les citoyens peuvent enseigner. Eh bien... je vous demande si sous le régime des principes existans, on pourrait sérieusement, avec pudeur, venir dire aujourd’hui à un homme qui a prouvé sa capacité et sa moralité : Mais vous appartenez peut-être à telle ou telle congrégation. Je vous demande si cela serait possible?.. Non, lorsque nous avons, avec la constitution, exigé des preuves de moralité et de capacité, nous ne pouvions pas en exiger d’autres sous peine d’inconséquence. Il en est résulté que nous ne pouvions pas, dans la loi, déclarer en vigueur les ordonnances de 1828; nous ne le pouvions pas, et c’est pour cela que nous nous taisons. »

Ainsi, dans la pensée de M. Thiers, comme dans celle de M. Jules, Simon, la constitution de 1848 avait souverainement tranché la question des membres des congrégations religieuses. Elle avait aboli le droit spécial qui les régissait depuis 1828 et les avait replacées dans le droit commun. Ils ne devaient plus être l’objet d’aucune prohibition particulière. L’article 9 avait « proclamé la liberté d’enseignement d’une manière précise et positive, » non pas pour les prêtres seulement, « mais pour les prêtres comme pour tout le monde. » « Devant la liberté, devant la loi, » il n’y avait pas de prêtres[1]. Successivement présentée sous trois ou quatre formes différentes et chaque fois avec une nouvelle force, par un homme dont les sentimens universitaires étaient bien connus et qui s’était autrefois constitué l’adversaire résolu des jésuites, cette opinion devait nécessairement avoir beaucoup de poids sur l’assemblée législative. L’amendement de M. Bourzat fut en effet repoussé par 450 voix contre 148, c’est-à-dire à une des plus fortes majorités qui se soient jamais vues dans une chambre française.

Après ce vote définitif, il n’y avait plus qu’à passer au scrutin sur l’ensemble du projet: il fut adopté, — chose remarquable, — à une plus petite majorité que celle qui venait de repousser l’amendement Bourzat: 399 voix contre 237[2].


II.

Telle fut cette mémorable discussion de 1850, si complète et si

  1. Séance du 13 février 1850.
  2. Au nombre de ces voix on relève, au Moniteur, entre autres celles de M. Arnaud de l’Ariège, Odilon Barrot, Casimir Perier, Coquerel, Léon Faucher, Lamartine, Lainé, Ferdinand et Jules de Lasteyrie, de Rémusat, Wallon.