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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 33.djvu/474

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au sceptre russe « la plantation allemande. » Il regrette que la Livonie et l’Esthonie aient perdu leur vieux nom de duchés et que la race germanique y décroisse, au point qu’elle compte seulement deux cent mille âmes sur deux millions. Ces deux cent mille, il est vrai, valent pour lui plus que tout le reste : « de ces provinces, dit-il, partent tous les ans quantité d’hommes qui portent dans l’intérieur de la Russie la culture allemande. » Enfin l’écrivain trahit une secrète espérance par le ton dont il dit que la pédagogie allemande et l’église luthérienne regagnent du terrain en Livonie depuis quelques années. Pense-t-il donc que l’œuvre d’Albert de Brandebourg, du grand électeur et du grand Frédéric soit inachevée et qu’il la faut finir? qu’après avoir repris le patrimoine des teutoniques, il reste à reconquérir celui des porte-glaives? Oui, sans doute, et les provinces baltiques sont encore à ses yeux « une colonie allemande menacée » par les Russes ; mais c’est là une fantaisie d’érudit. Les successeurs des margraves et des grands maîtres ont cessé depuis longtemps de faire face vers l’est, et avant de reconquérir les provinces baltiques, il conviendrait qu’ils honorassent d’une plus grande sollicitude cette province même de Prusse, qui a été le berceau de la monarchie. M. de Treitschke se plaint qu’on n’y ait jamais revu la prospérité d’avant Tannenberg, et M. Weber, dans la conclusion de son livre la Prusse il y a cinq cents ans, répète la même plainte avec plus de vivacité; il est même ingrat envers le grand Frédéric, au point d’oublier les efforts de ce prince pour peupler la Prusse ; mais il reproche avec plus de raison au gouvernement de Berlin d’avoir laissé peser sur le pays de l’est, après qu’il eut tant souffert des guerres napoléoniennes, les contributions qui l’ont écrasé. Les grandes villes, dit-il, achèvent à peine de payer leurs dettes; la province fut longtemps menacée de faire banqueroute; la terre perdit de sa valeur: avant 1807 elle coûtait plus cher en Prusse qu’en Brandebourg et en Poméranie ; elle coûte moins aujourd’hui, bien qu’elle vaille certainement plus. Le mauvais état économique du pays n’est-il pas d’ailleurs attesté par l’émigration qui entraîne tant d’hommes hors de ces provinces, et contraste si fort avec l’immigration d’autrefois?

Il y a contradiction manifeste à regretter que la Prusse n’ait pas poussé plus loin la revendication du territoire des antiques colonies allemandes et à constater en même temps qu’elle néglige les parties reconquises de ce territoire. M. de Treitschke ne sait-il pas pourquoi les provinces baltiques sont demeurées russes et pourquoi le pays de l’ordre a été si fort négligé? Les deux faits ont une même cause. On a remarqué avec raison que la Prusse proprement dite a commencé à être moins bien traitée par ses souverains après l’institution