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le premier reconnu et proclamé le caractère international qui a secondé la naissance et les premiers efforts de l’Institut archéologique. On a rendu un spécial hommage aux érudits italiens et français, et tout d’abord à ceux qui, dans les deux derniers siècles, avaient de leur seule initiative commencé de mettre en œuvre les innombrables documens d’épigraphie ou d’archéologie figurée trouvés en Italie. On a nommé[1] parmi ces ancêtres notre infatigable Peiresc, Jacob Spon, qui rapportait en 1676 trois mille inscriptions latines, six cents inscriptions grecques, cent cinquante manuscrits, et Montfaucon; on pouvait ajouter et le père Sirmond, dans les papiers duquel M. de Rossi, qui n’ignore aucun dépôt, trouvait il y a quelques années le complément et l’explication de la fameuse laudatio funebris de Thuria, et Mabillon, et dans le siècle dernier, ce François Séguier, de Nîmes, qui avait commencé un vaste recueil des inscriptions antiques.

Quelques services qu’aient rendus ces érudits, il est certain que Winkelmann, — et le comte de Caylus, son immédiat prédécesseur, — ont apporté une vue nouvelle et plus pénétrante de l’antiquité. Avec Winkelmann est vraiment née la science de l’esthétique. Nul n’avait encore parlé de l’art chez les anciens avec une pareille hauteur d’imagination et un si ferme langage; nul n’avait si noblement recommandé l’étude de la grande archéologie.

Un tel enseignement, continué en Allemagne par Lessing, dont le Laocoon parut un an seulement avant la mort de Winkelmann (1768), et en Italie par Antonio et Quirino Visconti, aurait-il porté tous ses fruits sans les grands événemens du commencement de notre siècle? On peut en douter; mais les profondes secousses des quinze premières années, ces triomphes prodigieux, ces prodigieuses défaites, le calme à la suite de tant d’orages, l’union naissante après des alternatives communes de succès et de malheurs, l’ébranlement et puis l’apaisement des imaginations, tout cela avait amené les peuples à se recueillir, à se reconnaître, à rejeter les imitations étrangères, à revendiquer leur génie national, et par suite, les colères étant calmées, à s’estimer et à s’invoquer mutuellement.

Un dernier épisode vint déterminer, pour ce qui est du sentiment esthétique et d’une meilleure intelligence de l’antiquité, l’ouverture et la direction des esprits : ce fut, en 1827, la journée de Navarin. A partir de ce jour seulement, l’art grec put être librement contemplé et compris : on put fouiller le sol hellénique; on put comparer et juger; on cessa de jurer par Vitruve, de croire qu’il n’y eût eu que l’art romain dans l’antiquité, et que le Parthénon fût un monument du temps

  1. Voir le tableau des cinquante années de l’Institut de correspondance, qui vient d’être publié par M. Michaëlis. Nous avons sons les yeux la traduction italienne : Storia dell’ Instituto archeologico germanico 18S9-1879, in-8o.