de la faire servir à son ambition personnelle, — erreur profonde dont sa vaniteuse médiocrité n’est jamais revenue. Plus que tout autre, plus que Bergeret, plus que Cluseret, il désorganisa l’armée de la commune et la commune elle-même. Il crut naïvement que sa présence à la tête de la révolte frapperait d’admiration ses anciens compagnons d’armes et les engagerait à lui apporter le concours de leur défection. Il essaya de les attirer par des moyens secrets, et, voyant qu’il ne réussissait pas, il engagea la commune à proclamer un décret qui constituerait une sorte de contrat dont les officiers de l’armée française reconnaîtraient la valeur. La commune se hâta d’obéir : « Considérant que beaucoup d’officiers et de soldats de l’armée de Versailles ne sont arrêtés dans leur désir formel de fraterniser avec la commune, que par le seul fait de leur avenir brisé, un décret de la commune ayant aboli l’armée permanente, reconnaissant de plus qu’il est urgent d’aider nos frères à entrer dans nos rangs, la commune décrète : 1° Les officiers, sous-officiers et soldats de l’armée de Versailles, désireux de défendre le principe social de la commune seront admis de droit dans les rangs de la garde nationale ; 2° les officiers, sous-officiers et soldats auront droit, par décret de la commune du 28 avril, à tous les avantages, tels que grades, retraite, etc., qui leur sont acquis par décrets antérieurs. » Est-il besoin de dire que cet appel à la trahison resta sans réponse ? Rossel eut beau regarder du côté de Versailles, il ne vit pas un de nos soldats déserter le drapeau de la nation pour venir servir celui de la révolte.
Ce fait permet de porter un jugement sur la moralité, le patriotisme et l’intelligence de Rossel. Au milieu de la multitude en armes qu’il dirigeait et qu’il prenait innocemment pour une armée, il se croyait un général en chef, un ministre de la guerre, un administrateur général ; il faisait des ordres du jour, voulait rétablir la hiérarchie militaire, faire respecter la discipline, empêcher ceux qu’il appelait lui-même « ces gueux de fédérés » de se griser et de se promener avec des filles publiques. Il n’est alors que ridicule, mais bientôt il devient odieux. La cour martiale siège en permanence, et il fait exposer dans les fossés des forts les fédérés récalcitrans : « 4 mai ; citoyen commandant du fort de Vanves, je vous envoie des réfractaires du XIXe arrondissement. Vous les installerez dans les fossés de votre fort, vous les nourrirez, vous les ferez travailler et vous leur imposerez la discipline la plus rigoureuse. Veillez surtout à ce qu’il n’y ait pas d’évasion. Salut et fraternité. Le délégué à la guerre : Rossel. » A Brunel, qui commandait le fort d’Issy, il écrit : « Formez un conseil de guerre et fusillez tous ceux qui se rendront coupables de désobéissance ou d’abandon de leur poste devant l’ennemi. J’approuverai tout ce que vous ferez dans