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cet ordre d’idées, pourvu que vous y mettiez de l’énergie. » Il était superflu de recommander à Brunel ce que les gens de la commune appelaient de l’énergie ; il le prouva, le 23 mai, en faisant incendier la rue Royale.

Rossel ne s’imaginait pas seulement qu’il était un grand capitaine, il croyait aussi être un homme politique ; il voulut jouer au Machiavel, opposer les partis les uns aux autres, tenir la commune en bride à l’aide du comité central, les ruiner l’un par l’autre et apparaître tout à coup comme l’homme indispensable, comme l’homme du destin devant lequel tout doit fléchir. Il embrouilla si bien les choses qu’il fut le premier à en perdre le fil. Ce fût lui qui fit sortir le comité central de la demi-obscurité où il se tenait depuis les élections de la commune et qui lui rendit une sorte d’existence officielle. Il l’admit près de lui sous forme de commission de contrôle, après s’être entendu avec le comité de salut public, et lui donna ainsi une importance considérable qui ne prendra fin qu’au milieu de la chute suprême[1].

La commune fut exaspérée de cette ingérence déplaisante, et l’on échangea de vilaines paroles dans les séances de l’Hôtel de Ville. Le 8 mai, sous la présidence du citoyen Eudes, on est mécontent ; Miot demande pourquoi depuis trois jours nul rapport n’est venu de la délégation de la guerre. — Voilà huit jours que nous n’en avons pas, dit Dereure. — Eudes, qui ne se sent pas très à l’aise en pensant à Rossel, par lequel il a été vertement mené, propose d’envoyer demander ces rapports au comité de salut public. — Régère réplique : Le comité est comme nous, il n’a rien reçu. — C’est alors que Jourde se lève, et qu’il communique à la commune une pièce qu’il qualifie avec raison de « très importante » et qui n’est autre qu’une sommation du comité central : le délégué à la guerre est absent, on n’a pu s’entendre avec lui ; le citoyen Tridon, membre de la commission militaire, abandonne l’ordonnancement à la commission du comité central qui en centralisera, dès le lendemain, tous les services au lieu et place des citoyens Rossel, Tridon, Varlin, Avrial, Henry. Le comité d’artillerie a une caisse spéciale ; celle-ci doit être remise au comité central. « Si les explications de cette note ne vous suffisent pas, citoyens, nous nous transporterons auprès de vous, pour bien définir nos attributions : Lacord, Josselin, Papray, L. Piat. » Jourde termine en disant : « Je demande

  1. Voici le décret du comité de salut public, publié le 5 mai au Journal officiel de la commune : « Art. 1er. La délégation à la guerre comprend deux divisions : direction militaire, administration. — Art. 2. Le colonel Rossel est chargé de l’initiative et de la direction des opérations militaires. — Art. 3. Le comité central de la garde nationale est chargé des différens services de l’administration de la guerre sous le contrôle direct de la commission militaire communale. »