« La France, dit-il, a l’Angleterre, les Vénitiens, les états du Pays-Bas, la Savoie, les princes protestans d’Allemagne, le duc de Lorraine, les cantons des Suisses et la plupart des villes impériales, tous intéressés pour la crainte de la maison d’Autriche, c’est-à-dire d’Espagne, mais pourtant diversement. » Il montre dans le parti de l’Espagne l’empereur, les princes allemands catholiques, les villes impériales catholiques, les cantons suisses catholiques ; le pape sera neutre dès que la France sera assez forte, mais la France ne peut se fortifier que par des alliances protestantes. Rohan est pénétré de cette pensée, que le parti dont il est l’âme et la voix sert la grandeur de la France ; les mauvais conseillers, ceux qui trahissent, perdent, livrent le pays, sont les anciens ligueurs, les ennemis d’Henri IV ; le roi enfant, la reine mère sont entre leurs mains. Pour les princes du sang, il n’en faut rien espérer, « ayant perdu par leur changement de religion ceux qui avoient maintenu leurs pères. » Condé, c’est de lui surtout qu’il veut ici parler, n’a pas de force dans l’état. Il ne reste à côté du parti de la cour et du parti des princes que « le parti de la religion, lié par la conscience avec tous les protestans de la chrétienté, parti seul capable de maintenir la France, comme il a fait autrefois ; ayant conservé les enfans de la maison contre l’étranger, et entre autres nourri et élevé Henri le Grand, restaurateur de cet état. »
Rohan est ici tout entier ; il est royaliste, il ne médite rien contre la monarchie, il veut la grandir, la tirer des liens de l’Espagne, il voudrait la ramener au berceau de la première foi d’Henri IV. Il est protestant à la façon de Jeanne d’Albret, bien plutôt qu’à la façon des ministres, dont il devait dire plus tard, après ses labeurs et ses guerres, qu’il aimerait mieux présider une assemblée de loups qu’une de leurs assemblées. Rohan est un aristocrate, un grand seigneur, il poursuit une chimère en voulant convertir la monarchie à si foi ; mais sa chimère n’est pas la chimère républicaine, son ambition n’a rien de personnel et d’étroit. Il est resté après la mort d’Henri IV le lieutenant d’Henri IV. Il se dit que, si « Paris vaut bien une messe, » le moment peut venir où la France vaudra bien le prêche. Pour que ce moment vienne, il faut que le prêche ait des généraux et des armées, des alliés puissans au dedans et, au dehors.
Vers la même époque, il ouvrait aussi le fond de son cœur dans une lettre adressée à M. de La Force[1].
« Je suis asseuré que, si vous m’aviez entendu, vous ne me condamneriez en chose aucune que j’aye faitte ; depuis Saumur j’ay
- ↑ Communiquée par Mme Labouchère.