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parti des calvinistes, il restait des heures entières avec elle et avec le chancelier de L’Hospital. Les Guise approchaient : il fallait choisir. La veille de leur arrivée, Soubise représenta encore à la reine qu’elle allait être prisonnière : il ne put la décider. Une fibre saignante la liait, quoique sceptique, à la religion catholique. Elle le supplia de rester, lui laissa espérer qu’elle se déclarerait quand l’état de ses affaires le permettrait; elle ne pouvait se fier qu’à lui. Il tint bon; elle le pria au moins de ne pas encore prendre les armes, mais de lui garder quelques troupes en Poitou pour les amener quand elle l’appellerait. Il ne lui cacha pas qu’il allait joindre ses amis, qu’il savait résolus à employer leur vie pour la délivrer et pour délivrer le roi de la captivité.

Il alla retrouver en effet à Meaux Condé et M. L’amiral. La petite armée huguenote passa sous les murailles de Paris, « dont les Parisiens eurent grand’peur, » et prit le chemin d’Orléans. La cour chercha à amuser l’amiral à Angerville en nouant un semblant de négociation. Soubise le pressa de ne rien écouter; « ils montèrent à cheval et coururent la poste, combien qu’ils fussent dix-huict cents chevaux, jusqu’à une lieue d’Orléans, là où ils eurent avertissement de M. d’Andelot qu’il y estait déjà entré[1]. » On parlementa encore quelque temps; M. le prince, l’amiral, D’Andelot, La Rochefoucauld, Soubise, allèrent trouver la reine près de Beaugency. Elle les reçut dans une grange, s’emporta contre Condé, frappa la terre d’un bâton dont elle s’aidait dans la marche, ayant mal au pied. « Ha ! mon cousin, vous m’affoliez, vous me ruinez ! » Soubise osa lui répondre qu’elle n’était plus libre. « Si vous avez toute puissance, comme vous dictes, qui est-ce qui vous peult affoller ! »

La conférence n’amena aucun résultat. Peu après Soubise tomba malade d’une fièvre continue, dont il faillit mourir. A peine rétabli, il fut envoyé à Lyon pour y prendre le commandement. Les protestans étaient les maîtres dans cette ville depuis le 30 avril 1652. Entre Orléans et Lyon, tout le pays était tenu par les catholiques. Soubise partit à cheval avec quarante gentilshommes. La petite troupe fit partout bonne contenance, elle traversa les montagnes du Vivarais; en Bourgogne, le bailli d’Autun la suivit pendant trois jours sans oser l’attaquer. Soubise entra à Lyon le 15 juillet 1562, et défendit cette place avec une rare vigueur contre Tavannes et le duc de Nemours[2]. Après la bataille de Dreux, la reine mère en fit tenir la nouvelle à Soubise pour lui ôter toute espérance d’un

  1. Mémoires de Jean de Parthenay-L’Archevêque, p. 66.
  2. Voir Discours des choses advenues en la ville de Lion, pendant que Monsieur de Soubise y a commandé, — conservé dans les Mélanges de Mézeray (Fonds français, vol. 20783 7 fol. 113-157), et Histoire ecclésiastique de Th. de Bèze, tom. III, p. 215.