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anciens, et mêlant les soins de la maternité à ceux de la politique.

L’église de Blain n’avait souffert aucune injure depuis 1562 jusqu’à la ligue ; à ce moment, les catholiques bretons se déchaînèrent contre elle: il y eut une assemblée synodale à Blain en 1578; mais les actes de ce synode provincial n’ont pas été conservés ; les deux jeunes époux prirent assurément une part importante à ses résolutions.

Henri III, par lettres patentes de 1577, avait permis que 240,400 écus fussent levés sur ceux de la religion pour le paiement des dettes créées par eux dans les guerres précédentes. Le roi de Navarre avait obtenu cette levée et avait taxé la Bretagne à 22,000 écus. Les religionnaires bretons s’assemblèrent à Blain en avril 1583, protestèrent de leur impuissance et offrirent seulement 6,660 écus. On envoya un mémoire à une assemblée des députés des églises qui se tint à Nantes et on y lit « que l’église de Blain avait alors si peu de moyens qu’il ne lui était pas possible d’entretenir son ministre, auquel elle ne payait que la moitié de ses gages, encore malaisément. » La Bretagne obtint un rabais de 9,000 écus. Il ne faut sans doute pas prendre au pied de la lettre les doléances de l’église de Blain, car Rohan et sa femme, avec leurs grandes richesses, pouvaient bien subvenir à ses besoins. Il ne faut pas oublier toutefois que les guerres civiles avaient ruiné tout le monde et que les très grandes terres, surtout en Bretagne, ne donnaient à leurs propriétaires que de très maigres revenus.

René de Rohan vécut tranquille avec sa femme à Blain, avec sa jeune et croissante famille, jusqu’au commencement des nouveaux troubles suscités par la ligue. On ne voit son nom figurer ni aux états de Vannes en 1582, ni aux états de Nantes en 1584.

La guerre civile recommença en septembre 1785. Mercœur[1] était sorti de son gouvernement de Bretagne pour se jeter sur le Poitou et la Saintonge. Condé avait fait une entreprise désastreuse sur Angers; il avait voulu, n’ayant que 3,000 hommes, enlever cette place de vive force. René de Rohan faisait partie de cette petite armée. Deux attaques furent repoussées et il fallut se décider à la retraite. Joyeuse arriva sur la Loire en même temps que le prince et l’empêcha de passer le fleuve. Condé, poursuivi par Joyeuse, trouva Mayenne devant lui ; Biron était sur ses flancs. Il fut décidé que l’on tenterait de passer isolément à travers tant d’ennemis. « Ce parti est aussitôt adopté ; mais plusieurs des principaux de l’armée, Rohan entre autres, n’avaient attendu pour le suivre ni les conseils de Rosny, ni l’ordre de Condé[2].

  1. Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur.
  2. Histoire des princes de Condé, par le duc d’Aumale, t. II, p. 152.