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des tendances contraires qui se font jour et qu’elle jette dans la balance tout le poids de son opinion… Le moment approche où un parti libéral ayant pour noyau la bourgeoisie allemande pourra acquérir de l’influence sur le développement ultérieur de l’empire allemand… » Après avoir tenu ce langage, que les députés de la droite ont vivement relevé et que l’un d’eux a même appelé un « pronunciamiento » libéral, M. de Forkenbeck n’avait plus qu’à abdiquer la présidence, à envoyer sa démission, qui a été silencieusement ratifiée par le Reichstag, il a été suivi dans sa retraite par le premier vice-président, M. de Stauffenberg. C’est là justement que l’évolution s’est encore plus accentuée et a paru dans tout son jour. Le nouveau président est un homme qui a été dans la haute administration, qui est considéré pour ses qualités personnelles, qui a été surtout choisi comme conservateur, M. de Seydewitz ; le nouveau vice-président, M. de Frankenstein, est un membre du centre catholique. Cette double élection est comme la manifestation visible de l’avènement de là majorité nouvelle, de l’alliance de cette majorité avec le chancelier. Voilà un premier résultat des lois économiques.

Ce serait sans doute assez vain de chercher partout des calculs, des raffinemens de machiavélisme ou de profondes arrière-pensées, de se demander Si M. de Bismarck, en dehors d’une question de douanes, n’a pas quelque intention secrète et inavouée. Il a fait après tout ce qu’il fait toujours : il a subordonné ses alliances avec les partis, ses combinaisons parlementaires, aux intérêts de sa politique. Il pratique l’éclectisme transcendant d’un sceptique supérieur entre la droite et la gauche. Depuis quelque temps, les menées socialistes et révolutionnaires l’ont conduit à un système de répression qu’il s’est efforcé de légaliser par un vote du parlement ? aujourd’hui il est préoccupé d’assurer des finances indépendantes à l’empire ; pour demain, il a un projet tout prêt sur les chemins de fer, il vient de le présenter. Il veut réussir, il se rapproche de ceux qui veulent l’aider au succès. Il se moque des libéraux qui lui marchandent un vote, il accepte les concours qui rendent son œuvre possible. C’est tout le secret de ses mouvement et de ses combinaisons. Il n’est pas moins vrai que cette évolution d’aujourd’hui a une gravité particulière et des conséquences inévitables qui dépassent peut-être les limites de l’Allemagne. De quelque façon qu’on la juge, l’alliance du chancelier de Berlin avec les catholiques du Reichstag est évidemment un premier pas vers la paix religieuse, la fin de la campagne du Kulturkampf. Le chancelier n’ira pas pour cela à Canossa, puisqu’il a promis ne n’y pas aller ; mais son collègue, M. Falk, pourrait bien quitter le ministère de l’instruction publique, où sa présence rappelle un temps de conflits. D’un autre côté, cette attitude fortement conservatrice prise par le plus puissant de nos contemporains au centré de l’Europe a une signification générale sur laquelle les esprits à demi prévoyans ne peuvent s’abuser. Sans conduire