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d’autographes le savent bien et en profitent pour enrichir leur collection. On a cependant parlé sans sourire de la probité des soldats de la commune, nous allons voir le cas qu’il convient d’en faire.


III. — LA PROPRIETE.

Peu d’arrestations furent opérées sans être accompagnées de vol. Nous en raconterons une seule pour indiquer l’invariable façon dont procéda la commune. Dans la nuit du 4 au 5 avril, un commissaire de police dont j’ignore le nom se présenta au poste de la place Vendôme et requit quatre hommes et un caporal appartenant à la 10e compagnie du 207e bataillon sédentaire pour faire une arrestation. Les hommes désignés par un lieutenant suivirent le commissaire de police, qui les conduisit rue Saint-Honoré, au presbytère de l’Assomption, précisément en face de la maison où Robespierre inspira un si tendre amour à cette fille de menuisier que Dubois-Crancé avait spirituellement surnommée Cornélie Copeaux. Au presbytère habitait l’abbé Deguerry, et c’était lui que l’on venait arrêter. Le commissaire heurta à la porte : Au nom de la loi ! On se garda bien d’ouvrir, afin de donner à M. Deguerry le temps de s’esquiver. Les fédérés menaçaient d’aller chercher du canon ; à l’aide d’un levier et à coups de crosse de fusil, on fit sauter un des vantaux de la porte au moment même où M. Deguerry, à peine vêtu, parvenait à franchir un petit mur et à se réfugier au dépôt du matériel du ministère des finances, qui est adossé à l’église de l’Assomption. Comme on ne trouvait pas « le curé, » on arrêta le portier et sa femme ; puis on posa des sentinelles à toutes les issues, et on envoya chercher dix hommes de renfort. Le commissaire ne perdit point son temps ; sous prétexte de trouver M. Deguerry, il forçait les tiroirs et fracturait les meubles ; un autre fédéré, nommé Battou, mettait dans ses poches, un peu au hasard, des bagues, un sac de bonbons, une bouteille de vin et un poulet rôti. A une femme qui disait en pleurant : « Mais pourquoi voulez-vous arrêter M. le curé de la Madeleine ? » on répondit : « C’est une canaille, il a fait tirer sur le peuple en 1848 ; nous, nous voulons le bien du peuple ! » Ils voulaient surtout « se rafraîchir, » car ils défoncèrent un buffet à coups de pied, allèrent visiter la cave, s’attablèrent dans la salle à manger et se versèrent de copieuses rasades. Le commissaire de police leur disait : « Ne buvez pas trop, nous avons de la besogne à faire, » et, leur montrant un grand portrait de M. Deguerry, il ajoutait : « Voilà l’homme que vous devez empoigner. » En attendant, on « empoignait » l’argenterie, quelques vases sacrés, des bijoux, du linge ; on trouvait que « ces cochons de curés sont bien