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des deux hémisphères ; et si, dans l’enceinte de la confédération germanique, le principe de l’union douanière rencontre encore des difficultés qu’il surmonte progressivement et dont il semble près de triompher tout à fait, c’est parce qu’au nombre des confédérés figurent des puissances de premier ordre, qui doivent naturellement hésiter avant de s’enchaîner l’une à l’autre et d’abdiquer en grande partie leur autonomie intérieure.

Le principe de la libre concurrence, dans l’enceinte d’une même circonscription politique, étant donc admis, — admis d’un commun aveu, — admis par les protectionnistes les plus décidés, — on doit par conséquent tenir également pour admises les maximes qui lui servent de fondement, savoir :

1° Qu’en thèse générale, l’intérêt privé, l’intérêt de chaque homme en particulier est bon juge, est le meilleur des juges quant à la direction qu’il convient de donner à l’emploi du capital et du travail dont chaque homme dispose, et, partant, à l’emploi du capital et du travail de la nation tout entière ;

2° Que le gouvernement doit, autant que possible, se garder d’intervenir en pareille matière, et d’intervertir le cours naturel des choses ;

3° Qu’il faut, pour rendre en cela son intervention légitime, un intérêt public bien caractérisé, évident, sérieux, dignus vindice nodus ;

4° Que toute intervention de ce genre, ayant pour but et pour effet d’élever artificiellement le prix de certains produits, se résout nécessairement en impôt prélevé sur le public au profit de certains producteurs ;

5° Que le public ayant évidemment droit de n’être imposé que dans son intérêt, aucun producteur, quel qu’il soit, n’a droit de réclamer à son profit l’intervention de l’état, si ce n’est en prouvant que l’intérêt public se confond avec le sien, et que le public y gagne en définitive plus qu’il n’y perd au premier instant.

C’est ainsi qu’on justifie, par exemple, le monopole temporaire accordé aux brevets d’invention, les restrictions imposées à certaines professions, les encouragemens momentanés ou permanens donnés à certaines entreprises, l’entretien aux frais de l’état de certains établissemens qui coûtent plus qu’ils ne rapportent, mais qui honorent le pays et sèment pour l’avenir.

Or maintenant se pourrait-il que ces règles si simples, si sages, que ces maximes si justes, si naturelles, n’eussent cours entre les citoyens qu’en ce qui concerne le commerce des productions indigènes ? Se pourrait-il que le commerce des productions exotiques fût soumis à des règles différentes, à des maximes contraires ?

En thèse générale et sauf exception dûment justifiée, l’intérêt