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l’impôt. » Ce n’est pas tout. « Quand l’étranger, continue-t-il, entrave par des prohibitions ou des droits protecteurs l’exportation de ses produits, on peut user de représailles à l’égard des siens, s’il y a espérance de l’amener à composition. L’acquisition d’un marché plus étendu compense alors et au delà cet inconvénient passager. » Enfin, quand un nombre plus ou moins grand d’établissemens s’est formé dans un pays à l’abri d’un certain degré de protection, il y aurait, selon Adam Smith, de graves inconvéniens à la leur retirer brusquement ; on n’y doit procéder que peu à peu et avec circonspection.

Aucun des vrais disciples d’Adam Smith, aucun des hommes dont le nom compte dans la science, ne s’est jamais départi de ces sages réserves.

Le parlement d’Angleterre, il est vrai, après avoir successivement à vingt reprises différentes et notamment en 1825 et en 1826, modifié l’acte de navigation de 1651, a fini en 1849 par l’abroger tout à fait, mais sans en désavouer le principe, en déclarant simplement que cet acte avait fait son œuvre et son temps.

« Je suis d’avis autant que qui que ce soit, disait en 1826, au nom du gouvernement, M. Huskisson, que notre devoir est de ne jamais perdre de vue la nécessité politique, et que, chaque fois que les intérêts de la navigation et ceux du commerce sont en conflit, les intérêts de la navigation doivent avoir la préférence[1]. » « Je reconnais, disait en 1849 lord Lansdowne, au nom du gouvernement, qu’on doit sacrifier sans hésiter la richesse à la sécurité[2]. » Mais, au dire de l’un et de l’autre, cette opposition entre les deux intérêts n’existait plus, et le régime restrictif était devenu nuisible aux progrès de la marine, autant qu’à ceux du commerce.. Les promoteurs les plus ardens de l’abrogation, les théoriciens les plus absolus, d’accord sur ce point avec les hommes d’état, n’invoquaient pas un autre motif et ne tenaient pas un autre langage[3].

Lorsqu’en 1821 commença dans le parlement et dans la presse la grande controverse de la liberté du commerce des grains, M. Huskisson, principal auteur du remarquable rapport déposé le 18 juin sur le bureau de la chambre des communes[4], et M. Ricardo, dans un pamphlet célèbre[5], en se prononçant pour la libre importation des grains étrangers, reconnurent qu’il fallait que

  1. Parliam. Debales, new series, t. XV, p. 1146.
  2. Ibid. , third series, t. CIV, p. 1318.
  3. The Anatomy of the navigation laws, p. 220.
  4. Parliam. Debates, new series. Appendice, t. XXXVII.
  5. On protection to agricult., p. 83. Voy. également ce qu’en dit Say, liv. I ; ch. XVIII, p. 55-4.