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cace, plus avouable, que de se refuser courageusement à ces scènes intestines, avilissantes pour ce régime parlementaire qui reste la dernière sauvegarde, d’éviter aussi tout ce qui peut irriter, fatiguer ou blesser les instincts, les intérêts, les croyances et même, si l’on veut, les habitudes du pays.

Qu’a-t-on fait avec cette loi sur l’enseignement que M. le ministre de l’instruction publique a imaginée dès son avènement au pouvoir et qui, après avoir été examinée, approuvée, sanctionnée par une commission de la chambre des députés, va entrer en discussion dès demain ? M. Jules Ferry a tout simplement jeté une loi de discorde dans le pays. Il a cru sans doute faire un coup de maître, donner une force au ministère en lui assurant l’appui d’une partie du radicalisme, et il n’a pas cru que pour ce médiocre, cet équivoque avantage, il risquait de dénaturer la signification du cabinet auquel il appartient, il entraînait le gouvernement dans des luttes aussi périlleuses qu’inopportunes. Si M. le ministre de l’instruction publique avait agi en politique réfléchi, attentif à tous les intérêts, préoccupé de ce qui est possible et utile, il avait devant lui une voie toute tracée. Il pouvait avouer tout haut l’intention de fortifier l’autorité de l’état dans l’enseignement, de rendre à l’état le droit de collation des grades, de donner une vigueur nouvelle aux droits de contrôle et de surveillance. Il pouvait tout cela en agissant simplement, prudemment ; il aurait été suivi par une opinion assez générale. C’était la pensée de ses prédécesseurs au ministère de l’instruction publique ; c’est encore ce que propose M. Bardoux dans un contre-projet qu’il oppose à la loi de M. Jules Ferry, et qui aura sûrement dans le sénat l’appui de M. Dufaure. C’est le seul système qui concilie tout, en restant dans les limites d’une politique sensée et pratique ; mais M. Jules Ferry n’est pas homme à se contenter de si peu, il a éprouvé le besoin de faire du bruit, et il ne s’est pas aperçu qu’avec ses projets qui mêlent tout, et la question de l’enseignement supérieur, et la question de l’enseignement secondaire, et la question des associations religieuses, il ne faisait évidemment qu’une œuvre de confusion et d’exclusion ; il n’a pas remarqué que du même coup il inquiétait les croyances des uns, les sentimens libéraux des autres, sans s’inspirer en aucune façon de la pensée et des intérêts légitimes de la vieille Université de France.

M. le ministre de l’instruction publique a trouvé sans doute un coopérateur ou un commentateur fort zélé dans le représentant de la commission parlementaire, M. Spuller, qui a écrit un rapport très étudié, plein d’application, où il cite les édits de Louis XV, les décrets de l’empereur Napoléon, l’opinion de M. de Malesherbes, M. Troplong, M. Dupin, Victor Cousin, M. Guizot, le duc de Broglie — et M. Castaguary. Malheureusement le rapport de M. Spuller, même avec ses intéressantes citations, n’en