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composition, qui doit rester secrète, mais sur le mode de procéder et sur le prix de revient. « Si le litre de liquide de fusée coûte 20 francs, il s’ensuit qu’avec une dépense de 8,000 francs on peut avoir quatre cents fusées, pouvant couvrir instantanément (à 20 mètres par fusée) 8,000 mètres de terrain occupé par l’ennemi. » On demande la création d’un corps de fuséens divisé en bataillons et en compagnies. « Trois jours suffisent pour former un artilleur fuséen ; il en faut dix pour fabriquer cent mille fusées ; les produits nécessaires existent à Paris en quantités assez considérables. » Le comité central, la commune, le comité de salut public, harcelés par l’avocat, — inventeur, commanditaire ou simplement intermédiaire intéressé, nous ne savons, — n’avaient répondu qu’avec une certaine mollesse aux offres qui leur étaient faites. Sans repousser précisément la proposition, on avait cherché à gagner du temps, car alors on croyait être bien sûr du concours d’un inventeur très sérieux, de M. Borme, qui, dès le 20 mars, avait été forcé de paraître se mettre à la disposition du comité central. Il fut contraint de faire quelques expériences, dans les jardins du Luxembourg, sous les yeux de Raoul Rigault, qui, pour la circonstance, s’était fait accompagner du docteur Pillot. Celui-ci, satisfait du résultat obtenu, dit à M. Borme que l’on adoptait son procédé « comme moyen d’incendie dans le cas où il faudrait rostopchiner Paris. » M. Borme, tombé de Pillot en Parisel, usa de tout subterfuge pour éviter de servir la commune. Il manœuvra avec tant d’habileté que le 18 mai il en était encore aux promesses, aux excuses, et n’avait fourni au chef de la délégation scientifique que des prétextes plus ou moins plausibles. La commune s’aperçut alors que M. Borme s’était moqué d’elle.

Il fut arrêté, conduit à Ferré, qui l’expédia à Raoul Rigault ; puis, après s’être entendu dire « qu’on lui ferait passer le goût du pain, » il fut incarcéré au dépôt, d’où il put s’échapper sain et sauf le 24 mai, pendant l’incendie de la préfecture de police. M. Borme est arrêté le 18 mai, à sept heures du soir ; dès le 19, la lettre de l’avocat est annotée : « enregistrée, renvoyée à la commission militaire. » Il est trop tard ; l’avocat en sera pour ses frais de style ; la commission de la guerre aura beau prendre une décision, elle n’aura pas une seule fusée grégeoise à sa disposition, car le temps manque pour en fabriquer ; dans deux jours, les soldats de la France auront franchi les fortifications de Paris, malgré la nouvelle menteuse qui fut publiée et qui prouve combien tous ces incendiaires étaient préoccupés par l’huile de pétrole : « 22 mai : hier au soir les Versaillais essayèrent d’entrer dans Paris du côté de Neuilly en entassant des fascines dans un fossé. Les fédérés, au moyen de pompes pleines de pétrole, mirent immédiatement le feu aux fascines et rôtirent tout vivans les royalistes. Rien, paraît-il,