Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 34.djvu/494

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses élèves. Il fut l’homme le moins doctrinaire de son temps. Il croyait la vérité trop haute et trop large pour la faire entrer dans l’étroite mesure des formules d’école… Nul ne comprenait mieux que lui qu’en mettant trop tôt les jeunes esprits dans ces serres chaudes de la pensée qu’on nomme les écoles de philosophie, de politique ou de littérature, on risque de leur faire produire avant le temps des fruits malsains. Et quand il avait réussi à les lancer sur les grands chemins de la science et de la critique, s’il les revoyait plus tard, il les saluait d’une parole d’encouragement, tout heureux et un peu fier de leurs succès. »

Le coup d’état de 1852 enleva Dubois à ses fonctions de conseiller et de directeur de l’École normale. Il rentra dans la retraite : il y vécut encore plus de vingt ans, de 1852 à 1874, occupé de lectures, d’études, de conversations, écrivant sans cesse, mais sans se contenter lui-même, et sans réussir à donner à sa pensée une forme complète et définitive. Dans les nombreux papiers qu’il a laissés, on trouverait sans doute des trésors de critique, de passion, des vues de toute sorte. Dans sa correspondance avec Jouffroy, Damiron, on pourrait dégager, nous n’en doutons pas, des pages dignes de vivre ; ce sera à l’amitié à faire un choix parmi ces pages intimes, si les pages du journaliste attirent comme elles le méritent l’attention du public actuel. Ce sont ces pages que nous voudrions résumer à nos lecteurs, avec de nombreux extraits, pour en faire apprécier l’intérêt et la vie. Ces pages sont la condensation d’une doctrine, la doctrine libérale, qui nulle part n’a été exprimée d’une manière plus large, plus précise et plus décidée. Nous grouperons nos extraits et nos commentaires autour de ces trois idées : le libéralisme dans l’art, dans la religion, dans la politique.


II

Le Globe a été d’abord fondé comme un journal littéraire et philosophique, car, n’étant pas quotidien, le domaine de la politique pratique lui était interdit. Ce fut seulement par la philosophie qu’il fut conduit à la religion, qui était alors comme aujourd’hui la moitié de la politique ; mais il ne s’agissait d’abord que de pure littérature, et ce fut dans ce domaine que le Globe eut à poser des principes. Il se donna comme l’organe nouveau des jeunes générations qui, arrivant à l’âge viril, avaient le droit d’avoir leur propre génie et leur inspiration personnelle ; car il y avait certainement lieu à cette époque à un renouvellement d’idées en tout genre.