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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 34.djvu/497

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la Grèce et de Rome, était classique. David, le grand peintre de la révolution, était classique. Cette tradition classique dura dans l’école révolutionnaire et républicaine jusqu’à la fin de la restauration ; le National, plus vif que le Globe en matière politique, était bien plus conservateur en littérature. Au contraire, si l’on considère que les idées religieuses et monarchiques, au commencement du XIXe siècle, eurent à vaincre de vieilles habitudes philosophiques et littéraires, qu’elles revinrent de l’émigration, qu’elles eurent pour premier promoteur Chateaubriand, le grand prêtre du royalisme religieux, que la mélancolie, l’amour des ruines, le sentiment des grandes scènes de la nature, se trouvèrent mêlés au Génie du christianisme, on comprend qu’il se soit fait une association d’idées singulières et tout accidentelle entre les nouveautés littéraires et les résurrections politiques. Ce malentendu ne devait pas durer ; mais il régnait à l’époque dont nous parlons, et ne facilitait pas la tâche de Dubois, qui, plaidant à la fois la cause des deux libertés, était obligé d’être sévère pour ses amis du libéralisme, en paraissant faire cause commune avec ses adversaires politiques et religieux. Lui-même a signalé la délicate situation que nous venons de résumer ; il en cherche l’explication en signalant en même temps ce qu’il y avait de faux et d’impuissant dans chacun des deux systèmes : « Ce qu’il y a de curieux à observer, disait-il, c’est que les libres penseurs en politique et en religion sont absolutistes en littérature, et que les protestans contre l’Académie appartiennent presque tous au parti politique ennemi des innovations… Remarquez d’ailleurs que dans les écrivains qui se produisent aujourd’hui rien n’est d’instinct, ni d’inspiration ; tout vient du calcul ; l’originalité est un système, comme l’imitation ; si les uns arrangent et copient l’usé, les autres construisent l’extraordinaire. »

L’un des plus grands services rendus alors par la critique novatrice a été de faire entrer dans le grand courant de l’admiration publique les beautés des littératures étrangères, si méconnues par les critiques de la vieille école. C’est ainsi que Dubois relevait avec une juste sévérité le dédain vraiment puéril que les faux classiques manifestaient pour les gloires du dehors. « M. Auger s’est donné carrière, disait-il à propos d’une séance de l’Académie française, il a peint à grands traits ces amateurs de la belle nature qui, pour faire revivre la statue monstrueuse de M. Christophe, donneraient volontiers l’Apollon du Belvédère, et de grand cœur échangeraient Phèdre et Iphigénie contre Faust et Goetz de Berlichingen. En prononçant ces derniers mots, M. Anger a affecté un accent barbare et burlesque. Tous les journaux ont répété qu’il avait fait sourire