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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 34.djvu/507

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régime et l’esprit de 1789. L’ancien régime avait obtenu la déclaration du catholicisme comme religion de l’état ; l’esprit nouveau avait obtenu la reconnaissance de la liberté des cultes. Pendant le règne de Louis XVIII, ces deux principes avaient été assez bien pondérés, mais sous Charles X l’esprit de réaction l’avait emporté. Au fond, religion d’état et liberté des cultes étaient deux termes contradictoires. Lequel des deux devait l’emporter ? Pour le gouvernement, c’est le principe de la religion d’état qui devait demeurer, et la liberté des cultes se borner à la tolérance. Pour les libéraux au contraire, le terme de religion d’état n’exprimait qu’un fait, à savoir religion de la majorité des Français avec certains privilèges purement extérieurs pour le culte le plus nombreux ; mais la liberté des cultes excluait toute autorité doctrinale. C’était, en un mot, la lutte entre l’état clérical et l’état laïque. Dubois tranchait la question sans hésiter et posait hardiment et dans toutes ses conséquences le principe de la sécularisation de l’état. « On veut en vain se le dissimuler, la révolution française et après elle la charte, qui n’en est souvent que la traduction légale, ont complètement changé le principe fondamental de la société. Jusque-là toute croyance était réglée par le sacerdoce : c’est lui qui faisait la vérité ou l’erreur, la loi morale même venait de lui, et il l’imposait, telle qu’il la concevait, à la loi politique. En vain les dissidens de tous les âges avaient tenté l’affranchissement ; il a fallu la philosophie du XVIIIe siècle, les longs et patiens combats, et enfin la terrible ruine qui les a suivis… Par elle, toute opinion[1], ce qui est bien plus général qu’un culte, toute opinion a été déclarée libre et autorisée à se proclamer. Ainsi sont tombés sous la juridiction de chacun toutes les révélations, tous les sacerdoces, tous les livres saints. »

Dubois pressentait et devinait l’avenir lorsqu’il demandait à l’église de ne pas réveiller contre elle de funestes passions par des prétentions exorbitantes contraires à l’état actuel de l’humanité : « Nous avons beaucoup aimé cette religion de nos aïeux ; nous l’aimerons longtemps et bien longtemps encore ; mais au nom du Dieu qu’elle adore, qu’on ne force pas à la haïr pour d’inutiles violences les générations qui peuvent seules protéger sa sainte et vigoureuse vieillesse ! La jeunesse de notre âge n’a point d’inimitiés contre une domination dont elle comprend le bien, et dont elle n’a pas senti les maux. Voudrait-on lui donner les ressentimens de ses pères ? »

  1. La charte reconnaissait non-seulement la liberté des cultes, mais encore celle « des opinions. »