Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 34.djvu/658

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lorsqu’ils résolurent de chasser les Carthaginois de la Sicile que les Romains se construisirent d’un seul jet toute une flotte dont les navires étaient plus ou moins bien copiés sur le squelette, dit-on, d’une galère ennemie, échouée sur les côtes du Latium. Mais ils ne furent jamais que de très médiocres ingénieurs de constructions navales et d’assez inhabiles marins.

Leurs bateaux appartenaient presque tous à cette classe qu’on appelait des onéraires, onerariœ naves ; ce n’étaient que des navires de transport, que l’on manœuvrait surtout à la rame, capables de renfermer dans leur cale des munitions, des armes, des hommes et même des chevaux, mais par cela même lourds, pesans et difficiles à gouverner avec des vents contraires ou de fortes mers. Ces navires, armés d’éperons et de grappins, venaient résolument s’accrocher aux vaisseaux ennemis : la bataille n’était plus dès lors une question de tactique et de navigation ; c’était une affaire d’abordage, une lutte corps à corps, et les soldats des légions combattaient sur la mer d’après les mêmes règles que sur la terre.

Il suffit de lire les récits de Polybe, de César et de tous les historiens militaires pour juger de l’exiguïté des nefs antiques, si on les compare à nos vaisseaux modernes. César raconte en effet que, lorsqu’il ordonna à ses lieutenans de faire le siège de Marseille à la fois par terre et par mer, il manquait absolument de flotte et commanda à la hâte des galères de combat au chantier d’Arles, et ces galères, dit-il, furent prêtes et armées en trente jours. On lit dans Polybe que, pendant l’une des guerres des Romains contre les Carthaginois, on put engager d’un côté cinq cents quinquérèmes, de l’autre près de sept cents, et que plusieurs centaines de ces galères furent coulées, prisonnières ou mises hors de combat.

On sait, d’autre part, que les navires anciens étaient le plus souvent halés à terre pendant la nuit avec des câbles et des cabestans. La pratique du mouillage en rade était inconnue, et les matelots romains ne se trouvaient en sûreté que lorsque leurs vaisseaux reposaient à sec sur la terre. La flotte, arrivée au port, était tirée sur des plans inclinés, sur des cales préparées à l’avance, ou même quelquefois sur la berge même, comme on le fait encore de nos jours sur toutes les plages de la Méditerranée pour les barques de pêche ou les petits bateaux de plaisance, et ces procédés tout à fait primitifs, qui datent du temps d’Homère, ne paraissent pas s’être perfectionnés notablement pendant l’époque impériale.

Il serait facile de multiplier à ce sujet les citations classiques, et on en conclurait aisément que la flotte romaine se composait d’un nombre considérable de vaisseaux de médiocre volume et assez mal outillés comme engins de navigation. Le matelot, dans le sens nautique du mot, n’existait pour ainsi dire pas. Le soldat romain