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orientale de Nicaragua et de Honduras, mais ne se reliant à aucun système de soulèvement interrompu.

C’est à Navy-Bay, dans la rade circulaire de Colon-Aspinwall, sur l’Atlantique, que commence l’Amérique centrale, pour finir à l’isthme de Tehuantepec ; c’est là qu’elle prend l’aspect qui lui est propre, aspect de monticules verdoyans, inégaux de hauteur, s’élevant d’étages en étages, comme sur le bord oriental de Costa-Rica et de Guatemala, jusqu’à 2 et 3,000 mètres d’altitude. Du côté du Pacifique, la côte figure un relief ondulé, d’un vert d’émeraude, et d’où s’élèvent, à des distances plus ou moins rapprochées du littoral, des cônes volcaniques visibles à 20 lieues en mer, phares naturels d’une grande utilité pour les navigateurs. Au lieu des falaises désolées de notre Méditerranée et de notre Océan, au lieu des plages nues, sans hauteurs, fangeuses, pestilentielles du Mexique, de la Louisiane et de la Cochinchine, au lieu de ces roches abruptes des Cordillères qui rendent inabordables quelques parties de la Nouvelle-Grenade et de l’Equateur, l’Amérique centrale n’offre aux yeux qu’un panorama splendide de hautes forêts, de baies profondes, de pitons élancés ; ce panorama est d’un aspect tellement attrayant que Christophe Colomb écrivit de bonne foi en Europe qu’il croyait avoir trouvé l’Eden biblique !

On devine l’enivrement que causa aux Espagnols la découverte d’une telle région, leur âpreté sauvage à vouloir conquérir un pays où l’or scintillait dans la poussière que soulevaient leurs pieds, leur admiration à l’aspect d’arbres dont les fruits savoureux et les écorces flexibles suffisaient pour nourrir et vêtir des peuples aussi doux que le ciel sous lequel ils vivaient.

Malgré leur enthousiasme et quelque grande que fût leur avidité pour l’or, une idée les domina tous, celle de découvrir le passage qui devait permettre à leurs vaisseaux d’aborder sans long détour aux fameuses îles des Épiceries qu’exploitaient en Malaisie les Portugais. Que de fois, en pénétrant bien au fond de l’une des baies qui baignent l’Atlantique, ils crurent avoir trouvé le fameux secreto del estrecho, le secret du détroit ! Magellan poussa tellement loin ses explorations vers le sud qu’il finit par aboutir au passage austral auquel son nom est resté attaché. Mais quelle longue route ! Évidemment ce n’était point là le chemin suivi par leurs heureux compétiteurs pour se rendre aux Indes. Alors commencèrent des investigations sans fin, acharnées : les Espagnols remontèrent tous les fleuves, visitèrent tous les ruisseaux, de leur embouchure sur l’Atlantique jusqu’à leur source cachée au sommet boisé des montagnes. Ne trouvant rien, ils se dirent qu’un canal avait pu exister autrefois entre les deux océans et qu’il avait été peut-être obstrué par des éboulemens ou des amoncellemens de vase. Alors il y eut de