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mers. » Un autre savant, traducteur de l’Histoire naturelle'' de Pline, Hieronimo de Huesta, parlant incidemment dans cet ouvrage du canal de Nicaragua, reconnaissait que « l’ouverture de ce canal sur un espace de 12 milles faciliterait la navigation au Pérou et aux Indes orientales ; mais il concluait comme le père Acosta, sous prétexte que l’Écriture avait dit : Circumdedi illud terminis et posui vectem et ostium, et dixi : usque huc venies et non procedes amplius ; atque hic confringes tumentes fluctus[1].

En 1781, un ingénieur espagnol, don Manuel Galisteo, n’en opéra pas moins les premiers nivellemens entre le lac de Nicaragua et le Pacifique ; il fixa leur différence de niveaux à 40m,87, résultat qui, selon M. Félix Belly[2], n’a été que très légèrement modifié depuis. Au commencement du siècle, M. Alexandre de Humboldt précisa les conditions du problème en faisant un résumé des cinq tracés qui déjà à cette époque se disputaient la gloire de le résoudre. Depuis, le fameux problème n’a pas cessé un seul instant d’être à l’étude ; il a donné lieu à des centaines de projets, à des montagnes de publications en français, en anglais et en espagnol. Naturellement nous ne parlerons que des principaux, de ceux qui ont passé par des phases sérieuses, mais toujours sans résultat, résumant autant que possible les magnifiques travaux sur ce sujet de M. Félix Belly et les études non moins intéressantes de M. Paul Lévy[3].


II

Cinq tracés, avons-nous dit, avaient été indiqués par Alexandre de Humboldt comme offrant une facilité plus ou moins grande de communication interocéanique (en descendant du nord au sud, du 18e au 4e degré de latitude boréale) : ceux qui utilisent l’isthme de Tehuantepec, — l’isthme de Panama proprement dit par le Rio-Chagrès, — les deux tracés du Darien, empruntant tous les deux le cours de l’Atrato pour descendre à l’Atlantique et aboutissant au Pacifique, le premier par la baie de Cupica, le second par le ravin de la Raspadura, dans la province néo-grenadine de Choco, — enfin celui par l’isthme de Nicaragua et le lac.

Le gouvernement des États-Unis, que présidait alors le général Grant, voulant faire la lumière d’une façon complète sur ces questions d’un si haut intérêt pour sa marine, décida en 1870 d’envoyer

  1. « Je l’ai bornée, la mer, tout autour, j’ai mis une barrière et une porte et j’ai dit : Tu viendras jusque-là, tu n’iras pas plus loin ; c’est ici que tu briseras tes flots agités. » (Job, liv. XXXVIII).
  2. Le Nicaragua, et le canal interocéanique, par Félix Belly. Paris, 1870.
  3. Notas géograficas y economicas sobre la republica de Nicaragua, par don Pablo Levy. Paris, 1873, Denné-Schmitz.