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l’Atlantique, le canal suivrait ou plutôt aurait suivi, si son tracé avait été adopté, le niveau de l’Océan au moyen d’une tranchée de 20 kilomètres creusée dans les sables volcaniques très légers qui forment le delta du San Juan par la vallée du bras de Juanillo. La descente entre les deux plans devait avoir lieu au moyen de cinq ou même de quatre écluses, réunies en escalier, suivant qu’on en aurait établi deux ou trois sur le San Francisco.

En terminant, M. Blanchet a dit que la tranchée de 20 kilomètres au travers du delta du San Juan pourrait en grande partie être déblayée par les eaux du fleuve en leur donnant une direction forcée. Reste la barre de sable qui interdit actuellement l’entrée du port de Greytown aux navires. Mais il serait facile de remédier à cet état de choses, et M. Blanchet n’en veut pour preuve que l’opinion de M. F. Belly et celle du capitaine Wolward, le doyen des officiers de la compagnie du Royal mail, qui commande le vapeur le Don et qui navigue depuis plus de trente ans dans ces parages. Voici ce que lui a écrit à ce sujet ce vétéran de la navigation : « Comme vous m’avez demandé mon opinion relativement au canal maritime par le Nicaragua, je vous la donne, quelque peu de valeur qu’elle ait ; néanmoins, naviguant depuis près de trente ans sur les côtes de cette contrée, il se peut que quelques remarques de ma part ne soient pas sans utilité. Comme je vous l’ai dit, j’ai vu en 1836 une flotte de sa majesté britannique mouillée dans le port, comme aussi trois bateaux à vapeur transocéaniques de 2,000 tonnes chaque, avec un tirant d’eau d’au moins 4 brasses 1/2 (7m,10) et 9 mètres d’eau dans le chenal. Conséquemment, il n’y a pas de raison de conclure que c’est impossible d’avoir le même résultat. Avec les facilités qui existent pour faire mouvoir et manœuvrer les bâtimens, il n’y a pas d’objection à un canal avec écluses. L’eau douce dans le canal sera un avantage pour les bâtimens en fer. Les plantes, les insectes, etc., qui croissent dans l’eau salée sur la coque des navires, seront certainement détachés par l’eau douce, qui les tuera. Revenant à la question des écluses, je ferai observer que, dans presque tous les docks de Londres, les bâtimens ont à passer par des écluses, et on peut en dire autant de Liverpool et d’Anvers, où l’on n’a jamais trouvé de difficulté à s’en servir, même dans les fortes tempêtes, qui sont si communes en Angleterre, et dont le Nicaragua est entièrement exempt. » Pour ne rien omettre, ajoutons que l’Océan-Atlantique, à l’extrémité du canal, n’a qu’une marée insignifiante de 50 centimètres ; sur le Pacifique, elle est de 2m,70, mais le niveau moyen des deux océans est le même.

En résumé, M. Blanchet a déclaré que le principe de son projet consistait surtout dans la surélévation des plans d’eau pour éviter