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les terrassemens et surtout ceux en terrains d’alluvion, si dangereux, mortels, dans ces parages ; dans le prolongement du lac pour donner au bief de partage la plus grande étendue possible ; et enfin, dans le groupement des écluses en doubles séries. On doit chercher, il est vrai, une solution plus simple, en transformant les écluses actuelles en écluses à grande dénivellation, et nul doute qu’on n’arrive à en diminuer le nombre. Est-ce donc chose nouvelle que des écluses, et ne fonctionnent-elles pas avec avantage en Europe aux abords des grands fleuves et sur une grande échelle au canal maritime calédonien construit par les Anglais en Écosse ? Au surplus, si le canal de Suez n’a pas d’écluses, il a des garages obligés où les navires sont tenus de se ranger pour laisser passer ceux qui viennent en sens contraire et pour chacun desquels la perte de temps est plus considérable que pour la traversée d’une écluse.

M. Blanchet a pendant longtemps étudié cette question ; ses collaborateurs, MM. Pouchet et Sautereau, ont produit au congrès une étude remarquable d’écluse à grande dénivellation, faite par un homme d’une compétence incontestée, M. Eiffel ; mais, d’accord avec ses amis, M. Blanchet estime que c’est là une question de détail qui doit venir après le triomphe de l’idée, et que personne ne doit perdre de vue que le projet qu’il a exposé repose sur des travaux d’art. Le coût du projet de M. Blanchet, — intérêts compris, — serait de 770 millions, le temps du passage de Greytown à Brito quatre jours et demi.

Comme on l’a dit avec raison, le projet de M. Blanchet ne créait pas un simple canal, mais un véritable bosphore, presque identique à celui de l’ancien monde, où le San Juan serait devenu le détroit des Dardanelles, le lac de Nicaragua la mer de Marmara, et la grande tranchée du petit isthme de Rivas le Bosphore. Là se serait élevée la Constantinople nouvelle, servant de trait d’union non plus à deux mers intérieures comme la mer Méditerranée et la Mer-Noire, mais aux deux grands océans Atlantique et Pacifique.

La Société civile internationale d’un canal interocéanique, présidée par M. le général Turr et dont MM. A. Reclus et Lucien N.-B. Wyse ont été les plus actifs lieutenans, s’est présentée au congrès armée de toutes pièces, c’est-à-dire, avec divers projets savamment étudiés, une concession du gouvernement de Colombie, et l’autorisation obtenue contre espèces sonnantes de créer au besoin un canal parallèlement au chemin de fer dit de Panama.

Lorsqu’en 1875, a dit M. le général Turr, la question du canal interocéanique fut discutée au grand congrès de géographie de Paris, les études n’étaient pas complètes. Au milieu des reconnaissances faites par les Américains, il existait des lacunes, laissant