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exemple, ils varient dans une même faculté depuis 2,250 francs jusqu’à 11,200. Ils n’ont rien de fixe, et cela tient à ce que chaque traitement est attaché, non à la chaire, mais à la personne. Aussi est-il débattu, à chaque nomination, entre le gouvernement et le professeur. Voici, d’après un professeur de Berlin, comment les choses se passent : — Voulez-vous venir ici ? demande le gouvernement. — Oui, si je dois toucher 1,800 thalers. — Je ne puis en donner que 1,500. — Eh bien ! entendons-nous à 1,600[1]. — On voit que la plupart des appels de professeurs se concluent comme des affaires de commerce. L’un d’eux se comparait lui-même à « un chanteur qu’on engage. » Si étrange que soit ce procédé, si choquait qu’il paraisse à des Français, il a un bon côté. Il semble qu’au lieu d’abaisser la dignité du professeur, il la relève. Il lui permet de dire tout haut à quel prix il s’estime. Je ne souhaiterais pas qu’on l’essayât en France ; mais en Allemagne ce débat pécuniaire tourne presque toujours à l’avantage de l’enseignement ; c’est que la concurrence ne s’établit pas d’ordinaire entre des hommes qui se disputent une place, mais entre des universités qui se disputent un homme. Chacune d’elles fait volontiers des sacrifices d’argent, soit pour attirer un professeur du dehors, soit pour retenir celui qu’elle a.

En Allemagne, la durée des cours est en moyenne de sept mois et demi ; en France, elle n’est que de sept mois, auxquels s’ajoutent, à la vérité, deux mois et demi d’examens. Le cours allemand comprend le plus souvent deux leçons par semaine, quelquefois une seule, quelquefois trois. La durée de chaque leçon est uniformément de quarante-cinq minutes ; elle commence au quart sonnant et finit exactement à l’heure. On assure que, si le professeur essayait de la prolonger d’un instant, l’auditoire se lèverait et quitterait la salle. Si nous essayons de compter combien de temps le professeur donne à l’état qui le rétribue, nous arrivons à un total de quarante-cinq leçons ou de trente-quatre heures dans l’année. Il est vrai qu’il a le droit de faire des leçons supplémentaires, et plusieurs en font jusqu’à six et sept par semaine ; mais ces leçons sont en général payées par les. étudians qui les suivent. Il importe que nous ne confondions pas les cours publics, c’est-à-dire ceux que l’état exige et dont il fait les frais, avec les cours privés que le professeur y ajoute à sa guise et pour son profit. Les premiers se réduisent aux chiffres de leçons et d’heures que nous avons indiqués plus haut. Lors donc qu’on dit que le professeur allemand donne à l’état plus de travail que le professeur français, on dit une

  1. Rapport de MM. Montargis et Seignobos, page 168.