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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 34.djvu/826

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inexactitude. Quant à l’importance des rétributions scolaires, il ne faut pas non plus l’exagérer. S’il est vrai que, dans la première moitié de ce siècle, quelques professeurs en renom y aient trouvé un revenu annuel de 20,000 et de 30,000 francs, rien de pareil ne se voit aujourd’hui.


II

L’avancement n’a pas les mêmes règles en Allemagne qu’en France et n’est pas fondé sur les mêmes principes. En France, ce qui donne l’entrée dans la carrière de l’enseignement supérieur, et ce qui assure des titres à l’avancement, ce sont les examens et les concours. Ils sont nombreux. Si imparfaits qu’ils soient, ils offrent au moins l’avantage d’être difficiles. La licence ès lettres, par exemple, exige une connaissance à la fois très exacte et très fine des trois langues classiques, c’est-à-dire de trois langues qui sont des plus difficiles à bien connaître. Elle se compose d’une série d’exercices par lesquels le candidat est mis à même de montrer s’il possède les qualités que notre Université estime le plus, je veux dire la justesse d’esprit, la sagacité, le sentiment des nuances, la délicatesse et le goût. Elle semble instituée tout exprès pour écarter ceux qui ne savent pas penser, ou ceux qui écrivent mal parce qu’ils pensent mal. Il n’y manque que d’y faire une plus large place à l’érudition ; elle serait alors un admirable critérium des esprits et la plus sûre garantie de l’aptitude à l’enseignement. L’agrégation qui vient ensuite est un véritable concours, et l’on sait combien les élus y sont peu nombreux ; c’est que, cette fois, on ne se contente, plus des mêmes qualités d’esprit que dans la licence, et l’on veut que les candidats fassent la preuve qu’ils possèdent, en outre, une science étendue et sûre. Le doctorat, tel qu’il est pratiqué en Sorbonne depuis le décanat de J.-V. Leclerc, c’est-à-dire depuis plus de quarante ans, est véritablement un examen d’érudition ; le candidat est tenu de prouver qu’il a fait des recherches personnelles et qu’il est capable d’en faire encore. Cela n’empêche pas que le talent n’y soit compté pour beaucoup, et par le mot talent il faut entendre la juste intelligence des choses, la force de conception, la clarté dans la pensée et la simplicité dans le style. Ce sont là des qualités nécessaires. La vraie science ne peut pas se passer d’elles. La première condition pour devenir un érudit est d’être intelligent. Aussi est-ce une idée juste et une heureuse tradition de notre Université de vouloir constater par des examens et des concours, non-seulement le plus ou moins de connaissances