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successivement apparues, mais dérivant d’un vieux fonds commun qui a toujours de plus en plus fait sentir son influence. C’est que des nuances seulement diversifièrent le caractère gaulois général d’un bout à l’autre de la contrée qui s’étend des bouches du Rhin à la Méditerranée entre les Alpes et l’Océan. Si du moins nous exceptons le groupe aquitain pur, il est visible que les éléments ligures, ibères, celtes du Danube et du Rhin, se sont fondus dans un type générique dont la place est marquée parmi les groupes nationaux de l’antiquité. Nous en avons reproduit les traits les plus saillans dans nos études sur la Gaule au temps de Vercingétorix, et nous les retrouvons dans l’étude très détaillée que M. Desjardins leur a consacrée dans le second volume de sa Géographie historique. C’est avec satisfaction que nous pouvons désormais invoquer son autorité à l’appui de cette tendance vers la démocratie, — autant du moins qu’on peut appliquer cette notion moderne à un état de choses si différent du nôtre, — qui nous paraissait avoir dirigé les mouvemens politiques des cités gauloises dans les derniers temps de l’indépendance. En lutte contre de vieux privilèges fondés non sur la conquête, mais plutôt sur l’état économique et la distribution des richesses, contrariée en plus d’un canton par les ambitions ou la puissance encore très grande des oligarchies dominantes, parfois même comprimée, comme en Arvernie, par des réactions temporaires, cette tendance n’en couvait pas moins un peu partout et arrivait çà et là à la prépondérance. C’est sur elle que s’appuient les grands héros de la défense, Ambiorix chez les Belges, Vercingétorix chez les autres Gaulois. César, pour désigner les chefs d’état, emploie souvent le mot rex dans un sens assez impropre. A son arrivée dans la Gaule, on peut considérer la monarchie comme n’existant pas ou comme abolie de fait dans la plupart des états. César dut se montrer hostile à cette démocratie naissante qui favorisait les alliances patriotiques, et soutenir les oligarchies qu’il lui était plus facile de mettre dans ses intérêts. Il ne fut pas plus favorable aux menées des aristocraties lorsqu’elles visaient, par des mariages ou des traités secrets, à constituer des confédérations embrassant une vaste étendue. C’est ainsi qu’il contrecarra les plans de l’Eduen Dumnorix qui allait s’entendre avec l’Helvète Orgétorix, les chefs séquanes et bituriges, à l’effet de former une grande ligue dont l’oligarchie éduenne aurait eu la direction. En revanche il se plut à rétablir en plusieurs lieux d’anciennes tyrannies qui avaient disparu. Il donna aux Carnutes le roi Tasget, aux Sénons le roi Cavarinus, aux Atrébates le roi Commius. Personne mieux que lui ne comprit la valeur de l’adage : Divide ut imperes. En fait la conquête de la Gaule ne fut possible que grâce à l’appui qu’il trouva chez les Éduens d’abord, puis chez les Rèmes et les Lingons. Il ne faut pas