Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/234

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Il y a bien parfois quelque chose de semblable, si ce n’est dans l’intérieur des conseils, du moins à côté, à la suite des sessions, dans quelque banquet de circonstance, et c’est ainsi que récemment le chef du cabinet, dans son département de l’Aisne, a saisi l’occasion de définir avec mesure, avec une raison confiante, la politique du gouvernement. M. Waddington a parlé comme parlent les Anglais dans ces libres réunions d’automne; mais c’est une exception. Trop souvent les conseils généraux tombent dans l’insignifiance ou dans les manifestations de l’ordre baroque, — et puisque les conseils ne suffisent pas à intéresser l’opinion, puisque la tribune du parlement est muette, puisque les ministres se promènent en attendant que M. le président de la république lui-même aille se reposer dans sa Franche-Comté, il faut bien s’occuper. Puisqu’on n’a pas les réalités de la politique, il faut bien en poursuivre les ombres et jouer avec les fictions! Il faut passer le temps, — et alors on fait voyager M. le comte de Chambord ou l’on fait parler le prince Napoléon, qui a perdu la parole depuis la mort du prince impérial. On réveille tant bien que mal, péniblement, la question Blanqui à propos de l’élection qui a lieu en ce moment à Bordeaux, ou bien l’on bataille trois jours durant autour de quelque médiocre tapage de vagabonds demandant aux musiques de leur jouer la Marseillaise. On fait la guerre aux noms des rues ou au cléricalisme, et M. Paul Bert, se mettant de la partie, voulant sans doute, lui aussi, émoustiller le public des vacances, envoie de sa villégiature de Bourgogne quelque toast qu’il croit peut-être spirituel et qui n’est qu’une assez lourde excentricité de pédant en gaîté. C’est assez pour la saison !

Oui vraiment, on peut en croire les nouvellistes, un jour de la semaine dernière, M. le comte de Chambord a été à Paris, tout au moins aux environs de Paris. Il était dans un château mystérieux, il a passé la revue de son armée, il lui a parlé, puis il a disparu ! Il est vrai que le même jour le télégraphe signalait sa présence à Vienne et le montrait rendant visite à l’empereur François-Joseph, tandis que d’autres le représentaient partant pour la Suisse ou pour l’Angleterre. N’importe, M. le comte de Chambord était à Paris! Il s’occupe de rallier ses amis, de leur tracer une ligne de conduite appropriée aux circonstances, de renouveler les instructions qui doivent les guider dans la prochaine campagne. — Qu’est-ce à dire? s’écrient alors les fidèles, ceux qui ont le mot des cours. M. le comte de Chambord n’a pas besoin de renouveler ses instructions; ses amis savent qu’il est toujours prêt à sauver la France : sa politique est assez connue! Et c’est vrai, les idées du petit-fils de Charles X n’ont rien d’inconnu. M le comte de Chambord n’a pas besoin de promulguer une fois de plus sa politique; il l’a expliquée bien souvent déjà, il l’expliquait l’autre jour encore dans une lettre où il se montra bien tel qu’il est, inspirant le respect par une incomparable candeur de prince illuminé, se créant une France idéale