Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/241

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prochaine du cinquantième anniversaire de l’indépendance de la Belgique, le roi n’a pas craint d’aborder résolument, avec l’autorité d’un « souverain constitutionnel, ami de tous, » ces délicates questions. Il n’a pas craint de faire directement appel à la concorde, au patriotisme pour atténuer les divisions qui partagent le pays. « Retrempons-nous, a-t-il dit, dans cet esprit viril et sage qui a fondé la nationalité belge par le rapprochement des partis. Faisons tous, je vous en conjure, des efforts de générosité, de modération et de prévoyance C’est l’intérêt, c’est l’avenir de notre chère et noble Belgique qui le demandent à tous par la bouche de son roi. » Rien de plus noble assurément que ce langage fait pour retentir bien ailleurs qu’en Belgique, pour être écouté partout où s’agitent ces questions qui intéressent la conscience religieuse; rien de plus patriotique, de plus politique, et c’est ainsi que la royauté constitutionnelle, sans sortir de sa sphère, peut avoir une influence utile, contribuer de haut à adoucir des conflits qui ne sont jamais sans péril, même quand ils ne triompheraient pas de la force des institutions.

Ici du moins tout peut paraître assez simple. La lutte est entre libéraux et catholiques, le pays décide entre les partis. Les crises sont bien autrement obscures et difficiles à saisir dans des pays où elles se compliquent de rivalités de races, de puissantes considérations diplomatiques, et où la monarchie constitutionnelle représentée par une des plus vieilles maisons de l’Europe est réduite à se mouvoir au milieu de toute sorte d’influences contraires. C’est l’histoire de cette crise autrichienne qui vient de se dénouer par la formation d’un ministère sous la présidence du comte Taaffe et qui est l’expression confuse d’un assez sérieux déplacement d’influences dans les régions du parlement et du pouvoir à Vienne. Il ne s’agit ici pour le moment que de cette partie de l’empire qui s’appelle la Cisleithanie. A bien dire, ce changement dans la direction des affaires de la Cisleithanie n’avait rien d’imprévu. Il était devenu inévitable après les récentes élections qui ont modifié les conditions parlementaires, et ces élections elles-mêmes ne se sont pas faites apparemment toutes seules. La vérité est qu’il y a eu depuis quelque temps tout un travail pour mettre fin à une situation irrégulière, particulièrement à l’abstention des Tchèques, qui ont refusé jusqu’ici de reconnaître les lois constitutionnelles de l’empire et qui ne sont évidemment entrés en composition que moyennant certaines garanties. Ce travail a préparé les élections qui ont amené la défaite des libéraux ou centralistes allemands et qui ont grossi dans le parlement de Vienne le contingent des autres nationalités. Les élections à leur tour ont conduit à la nécessité du nouveau cabinet cisleithan où, à côté du comte Taaffe qui paraît avoir été, sous l’inspiration du souverain, l’habile instrument de ces transactions, entrent divers personnages : le docteur Stremayr et le colonel Horst, membres de l’ancien cabinet, M. Ziemaikowski, représentant de la Galicie, le docteur Prazalk,