Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/242

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un des chefs du parti tchèque, le comte Falkenhayn, qui est un des plus grands propriétaires de la haute Autriche et un des amis de jeunesse de l’empereur, le baron Korb de Weidenheim, un des grands seigneurs allemands de la Bohême. Deux portefeuilles sont réservés et paraissent destinés à des libéraux qui voudraient se prêter à la combinaison. Le nouveau ministère cisleithan n’est point formé en effet pour suivre une politique de réaction cléricale et fédéraliste; ce n’est point la pensée du comte Taaffe, qui paraît être un politique éclairé et habile, ni même de ses nouveaux collègues de pouvoir; Le nouveau ministère de Vienne est simplement composé dans l’intention d’appliquer d’une manière plus large les lois constitutionnelles, de rassembler toutes les nationalités de l’empire sur le terrain constitutionnel en leur donnant une représentation plus effective. Il ouvre la porte aux Slaves, et c’est précisément en cela qu’il est une défaite pour l’élément germanique, c’est pour cela aussi qu’il peut ressembler plus ou moins à une menace pour le dualisme fondé sur la suprématie des Allemands à Vienne, des Magyars à Pesth. Ce ministère réussira-t-il à désarmer les Allemands, à éviter d’entrer en antagonisme avec le cabinet hongrois, à réaliser un équilibre constitutionnel satisfaisant? Voilà bien des problèmes qui commencent à Vienne!

Rien n’est plus compliqué assurément, et ce qui complique encore plus cette situation, c’est la retraite du comte Andrassy, qui, à la même heure, se décide définitivement à quitter le poste de chancelier, à abandonner la direction des affaires diplomatiques de l’empire. Jusqu’à quel point cette retraite du chancelier autrichien est-elle liée à la formation du ministère qui vient de naître à Vienne? quelle est la raison véritable de la résolution que prend le comte Andrassy et qui semble maintenant irrévocable? Les difficultés immédiates de l’exécution du traité de Berlin ne sont plus assez graves pour lui créer des embarras. Les récentes négociations conduites par le comte Taaffe pour la formation d’un ministère ne lui ont pas été inconnues, et il paraît les avoir approuvées; il a été évidemment consulté en tout. Il a invoqué, dit-on, sa santé; c’est peut-être la vérité et c’est malheureusement aussi la raison de ceux qui ne peuvent pas ou ne veulent pas en donner une autre.

Le comte Andrassy n’est point, à coup sûr, au bout de sa carrière; il reparaîtra un jour ou l’autre sur la scène. Ce n’est pas moins jusqu’ici une singulière fortune que celle de ce brillant Magyar qui, après avoir été un révolté contre l’Autriche, un insurgé des honveds, Un condamné à mort, est devenu un des plus intimes confidens de la cour, et qui, après avoir été élevé au plus haut poste de l’empire, a été entraîné par degrés à une politique fort difficile à définir. Hongrois d’origine et d’esprit, il a été conduit à contrarier les sentimens hongrois en aidant plus que tout autre, par l’occupation plus ou moins définitive de la Bosnie et de