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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/328

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désir. Ainsi le travail obscur et difficile qu’il avait accepté pour son royal protecteur le prince de Bavière devint l’une des plus heureuses fortunes de sa vie.

Il est peut-être bon de rappeler d’abord, pour éviter toute méprise, que les frontons sculptés en haut-relief, comme il y en a plusieurs à Paris, ne peuvent donner même une faible idée du fronton grec, avec ses figures en ronde bosse, tel que Thorvaldsen l’a reproduit. D’abord ces frontons de nos monumens parisiens ne sont point grecs : ils sont tous dans le goût romain. On sait que les Romains élevèrent le fronton grec et le rendirent plus aigu, c’est-à-dire beaucoup moins agréable à l’œil. Peut-être le trouvèrent-ils ainsi plus imposant, et d’ailleurs ils n’adoptèrent pas l’usage d’en orner le tympan avec des statues. Il est impossible d’établir un groupe de figures vraisemblable et harmonieux dans cette pyramide du fronton romain : la décroissance de hauteur sur chaque côté y est trop rapide. Le sculpteur est alors obligé de grandir démesurément la figure ou le groupe du centre, de ployer ou de coucher sans raison tous les autres personnages, à moins de les montrer à mi-corps, comme l’a fait David d’Angers au Panthéon, ce qui n’est pas moins invraisemblable et disgracieux. Tout l’art de Cortot, dans son remarquable fronton du Palais-Bourbon, est venu échouer contre cette difficulté insurmontable de l’espace qui lui était imposé. Les autres frontons de même genre qu’on voit à Paris, la Madeleine, Notre-Dame-de-Lorette et surtout Saint-Vincent-de-Paul, ne présentent que les plus pauvres compositions. Les figures semblent se courber péniblement sous la corniche rampante, et souvent même cette corniche étant mal à propos ornée de denticules, les têtes ont l’air de se heurter à ces saillies aiguës. Au reste, quel que soit l’art du sculpteur, le haut-relief ne peut donner un effet suffisant à la hauteur où sont placés ces tympans. Les figures ne se détachent pas assez, les divers plans se confondent dans l’uniformité de la lumière; les lignes, trop nombreuses, s’enchevêtrent, les détails se nuisent l’un à l’autre, et l’ensemble, qui n’est distingué d’ailleurs du monument ni par sa matière ni par sa couleur, paraît inévitablement froid, monotone et sans vie.

Ce n’étaient pas les Grecs qui se seraient contentés de cette décoration inanimée et terne sur le point le plus en vue de leurs édifices. Le fronton de leurs plus anciens temples doriques, il est vrai, est encore nu et sans ornemens, comme celui du grand temple de Pæstum, qui date d’environ six siècles avant Jésus-Christ. Mais vers le même temps, dans la mère patrie, un artiste de génie, architecte ou sculpteur, l’un et l’autre sans doute, dont le nom reste ignoré, s’aperçoit que ce fronton du temple, si l’on en recule le tympan, est un emplacement tout prêt pour recevoir des groupes