tient debout sur une sorte de rocher, parce que le cadre même de la composition exige que la figure du centre soit plus grande que les autres. Les anciens se liraient aisément de cette difficulté en donnant à un dieu, suivant la tradition de l’art primitif, une taille plus élevée que celle des hommes ; ainsi, sur le fronton d’Égine, Minerve domine de toute la tête les combattans. Thorvaldsen avait une manière très simple de grandir son saint Jean, en le plaçant sur un objet quelconque, comme un homme qui parle en plein vent à une foule. Du haut de son petit rocher, le Précurseur domine tout naturellement son auditoire, et au milieu de ces personnages tournés vers lui et attentifs, il est vraiment le centre, le pivot, l’âme de toute la scène, qui se déroule, à droite et à gauche, jusqu’aux extrémités du fronton.
C’est dans l’invention et l’ordonnance de cette scène que Thorvaldsen a déployé la fécondité et la justesse de sa pensée, en même temps que sa science de composition et la sûreté de son goût. Il a amené aux pieds du Précurseur non seulement tous les âges, mais les principaux types du peuple hébreu de ce temps-là. A la droite et tout près de saint Jean, qui prêche, la main droite levée, il a placé d’abord un jeune homme plongé dans la méditation. Le pied posé sur le rocher qui porte saint Jean, accoudé sur son genou et laissant à demi tomber son manteau, le jeune auditeur paraît dominé et comme fasciné par la prédication. Derrière lui se tiennent debout un vieillard, un homme du peuple et son fils appuyé sur lui, tous deux très attentifs et pleins d’un naïf respect pour la parole sainte. Vient ensuite une femme agenouillée; son enfant, debout derrière elle, appuie ses deux petites mains sur son épaule. Derrière cet enfant, un docteur est assis sur une pierre, les bras croisés sur sa poitrine; il écoute avec attention, mais froidement et sans rien exprimer de ce qu’il pense. Enfin, dans l’angle du fronton, un jeune homme, demi-couché et accoudé sur la pierre, écoute nonchalamment et par simple curiosité. De l’autre côté de la scène, les contrastes sont encore plus vifs. A la gauche du saint, un jeune garçon, d’une physionomie ouverte et respirant l’enthousiasme, laisse tomber son manteau et semble attendre impatiemment le baptême. Mais derrière lui, un homme, debout et appuyé sur un bâton, regarde le prophète avec dédain. C’est un pharisien ou un prêtre juif; on le reconnaît à cette expression d’orgueil comme à son riche manteau et à sa coiffure. Près de lui un chasseur en tunique courte, coiffé d’un large chapeau et portant son gibier; il passait par là, s’est arrêté en voyant la foule et regarde naïvement. Une fillette taquine son chien; mais un autre enfant, mettant un doigt sur sa bouche, fait signe à sa sœur de ne pas troubler la prédication. A côté de ce joli groupe, une femme