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ni le nombre des propriétés bâties, ni le revenu respectif de chaque nature de propriétés. On était donc dans l’impossibilité d’asseoir l’impôt sur une base proportionnelle. On eut recours à un moyen empirique : on rechercha ce que chaque province payait d’impôts directs; à ces impôts réellement payés on ajouta ceux que les ordres privilégiés auraient dû acquitter; on dressa un état de tous les impôts par généralité, et l’on mit à la charge de chaque département une somme égale aux taxes qui étaient supportées par les communes composant la nouvelle circonscription départementale.

On sait que les anciens impôts étaient très inégalement partagés entre les provinces. Dans les pays d’états, les impositions étaient établies avec le consentement préalable des assemblées provinciales, tandis que dans les pays d’élection elles dépendaient entièrement de la volonté royale. Les premiers avaient été, par suite, plus ménagés que les seconds. Ajoutons que quelques provinces réunies à la France s’étaient fait affranchir, en vertu de leurs capitulations, de tout ou partie de certains impôts. Les départemens substitués aux provinces, supportant sous une autre forme les charges anciennes, héritèrent nécessairement des inégalités antérieures. Le partage entre les districts et les communes fut, pour des motifs analogues, non moins défectueux. La répartition individuelle ne pouvait pas être meilleure, car il n’y avait à ce moment ni cadastre, ni administration spéciale; l’impôt était divisé par les autorités municipales d’après des renseignemens vagues et suivant des appréciations personnelles.

La somme totale de l’impôt foncier mise à la charge des départemens en 1791 s’élevait en principal à 240 millions, plus 60 millions en sols additionnels. Le montant du revenu foncier net, à cette époque, étant estimé à 1 milliard 400 millions de francs, la propriété immobilière supportait une taxe de 16.66 pour 100 de son revenu net en principal, et de 20.83 pour 100 avec les sols additionnels, c’est-à-dire plus d’un cinquième de son revenu net[1].

Les contribuables acceptèrent les grosses inégalités d’un impôt aussi lourd, tant qu’ils eurent la faculté de payer leurs taxes en assignats; mais lorsque la loi du 3 frimaire an VII vint imposer l’obligation d’acquitter les charges publiques en numéraire, les plaintes devinrent tellement vives qu’on fut obligé de leur donner satisfaction.

On s’efforça de diminuer les inégalités au moyen de dégrèvemens successifs. En 1797, on fit un premier dégrèvement de 22 millions au profit de tous les départemens, réparti dans des proportions différentes suivant le taux de l’impôt de chacun ; en 1798, un dégrèvement

  1. Note annexée au projet de loi du 23 mars 1876.