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des contributions directes de proposer le recensement général des valeurs locatives, pourtant bien nécessaire pour rectifier la répartition de l’impôt sur les propriétés bâties. Cette crainte est bien plus redoutable lorsqu’il s’agit d’une mesure qui semblerait menacer les intérêts des propriétaires de tout le sol français. Et que penser de l’énormité de la dépense qu’entraînerait la réalisation de la réforme?

L’administration des contributions directes estime que, même en utilisant autant que possible les documens existans, la dépense de la réfection du cadastre s’élèverait à une somme qui ne serait pas inférieure à 150 millions. Le cadastre, commencé en 1807 et terminé en 1850, a coûté environ 160 millions; mais les prix des travaux exécutés à des époques qui remontent en moyenne à trente ans seraient aujourd’hui évidemment plus élevés. Si, en effet, on prenait pour base de cette évaluation le coût des opérations cadastrales qui se poursuivent actuellement dans les départemens du Nord, de la Savoie, de la Haute-Savoie, des Alpes-Maritimes et de la Corse, on arriverait à un chiffre bien supérieur : dans ces cinq départemens, la dépense est, en moyenne par hectare, de 1 franc 83 cent.; de 93 cent, par parcelle, plus une indemnité fixe de 40 francs par commune, accordée à l’inspecteur et au contrôleur des contributions directes. D’après ces prix, la dépense de réfection du cadastre pour toute la France s’élèverait à 223,140,000 francs. Le recensement des valeurs locatives des maisons et usines coûterait, en outre, d’après l’appréciation du service spécial, une somme de 12 millions de francs. Les frais annuels pour la conservation des opérations cadastrales monteraient à 10 millions de francs. L’ensemble de ces diverses opérations entraînerait donc une dépense totale de 162 à 235 millions en capital, et une charge annuelle de 10 millions, non compris les frais qu’occasionnerait, à l’expiration de la durée légale de chaque période, le renouvellement successif des évaluations du revenu foncier.

Serait-il raisonnable, pour faire cesser les inégalités dont nous avons apprécié l’importance, surtout lorsqu’on peut corriger les plus considérables par des mesures individuelles, rapides et peu dispendieuses, de s’engager dans une entreprise aussi coûteuse?

Pour tout esprit impartial, la réponse n’est pas douteuse. Nous approuvons le ministre des finances d’avoir considéré que le but et les résultats d’une réforme générale de l’impôt foncier ne peuvent pas justifier un pareil sacrifice.


MATHIEU-BODET.