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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/393

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les plus intrépides et les plus habiles en Occident et en Orient. La passion de Paul II, — c’en était une véritable, poussée à ses dernières limites, — rencontrait pour se satisfaire, et aussi pour devenir profitable à la science, le temps et les circonstances les plus propices. Les invasions des Turcs et la prise de Constantinople dispersaient par tout l’Occident les manuscrits et les objets d’art antiques ou du moyen âge que les églises et les monastères avaient longtemps conservés, et, d’autre part, si le goût commençait à s’éveiller et la curiosité à s’instruire, peu de collectionneurs avaient encore essayé d’accaparer tant de riches dépouilles. Paul II ne manqua pas d’engager à ce sujet une lutte acharnée contre les Médicis ; il ne prévoyait pas qu’après lui la plus grande partie de ses trésors passerait paisiblement entre les mains de Laurent le Magnifique.

Pour un antiquaire érudit tel que M. Müntz, c’était une bonne fortune que de rencontrer un si intéressant épisode. Il a dans son livre de très curieux chapitres à ce sujet, quand par exemple il dresse la liste des collectionneurs romains qui avaient précédé Paul II. On comprend bien d’ailleurs qu’il ne s’agit pas ici de petite et vaine curiosité : sans les amateurs du XVe siècle, combien de morceaux antiques auraient définitivement péri ! combien seraient demeurés, peut-être pour longtemps encore, entièrement ignorés ! M. Müntz nous introduit le premier dans cette riche collection du XVe siècle, puisqu’il publie le premier un catalogue contemporain inédit, qui en donne tout au long le détail. Personne n’ignore quel parti l’érurudition de notre temps sait tirer de pareilles informations : on compare les témoignages, on reconnaît les vraies provenances, on identifie les époques, les artistes, les œuvres, et nos musées cessent enfin d’être des ramassis incohérens, arbitraires et confus, pour devenir ce qu’ils doivent être, des galeries où la science vient en aide à l’esthétique.

Il serait long de signaler une à une toutes les nouveautés que contiennent les volumes de M. Müntz. Il a distingué avec soin d’une part les artistes étrangers appelés à Rome, particulièrement les français, et d’autre part les artistes italiens ou romains employés à cette cour. Ses recherches sont particulièrement attachantes et décisives sur la différence qu’il faut faire entre Mino da Fiesole, dont quelques œuvres charmantes se retrouvent dans les cryptes vaticanes ou dans les églises de Rome, et Mino del Regno, l’auteur insuffisant des statues de saint Pierre et de saint Paul placées autrefois au bas de l’escalier de la grande basilique, et conservées aujourd’hui à la porte d’entrée de la sacristie, — ou bien sur Paolo Romano, sur Isaïe de Pise, artistes habiles dont les travaux inspirés par la première